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précipités en foule du tendido dans l’arène et se pressaient autour des cadavres sanglans de ces animaux qu’on venait de leur immoler ; se penchant sur eux, considérant de tout près leurs larges blessures.

— Est-ce fini ? dis-je au marquis. Allons-nous avoir encore quelque autre divertissement ?

— Oh ! ce qui reste est peu de chose et bien moins intéressant que tout ce que vous venez de voir. Il est bon cependant que vous demeuriez et que vous attendiez la fin. Vous aurez ainsi une idée complète de ces courses. Pour moi, je vais descendre à l’infirmerie de la place avec le comte ; nous y saurons des nouvelles du picador, qui sans doute est bien grièvement blessé. Vous dînez avec nous, je pense. Alors vous ramènerez ma femme, n’est-ce pas ?

Je n’avais assurément point d’objection contre cet arrangement. Je n’en fis donc aucune.

Le jour baissait. Le marquis et le comte partirent.


XVII.

Ils nous avaient donc laissés ! Piedad et moi, nous nous retrouvions seuls ! Nous demeurâmes silencieux quelques momens. À peine nos yeux eux-mêmes osaient-ils se parler.

— Tout leur carnage est maintenant achevé, me dit enfin Piedad d’une voix émue ; mais vous avez bien souffert, John ! Et c’est moi qui l’ai voulu ; c’est pour moi que vous êtes resté. — Vous devez me trouver sans pitié ! Vous êtes fâché contre moi. — Oh ! pardonnez-moi, mon ami !

Et elle me tendit la main. Et je la pressai passionnément dans les deux miennes.