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REVUE DES DEUX MONDES.

— Mais, demandai-je au marquis, est-ce pour nous donner ce spectacle si divertissant que l’on sépare la place en deux parties ?

— Justement, répondit-il ; au moyen de cette division, nous allons avoir deux combats à-la-fois, un dans chacune de ces deux parties de la place.

— Fort bien, observai-je, mais un double combat simultané ne doit-il pas nuire à l’intérêt d’une course, à-peu-près de même qu’une double action à celui d’un drame ?

Le marquis sourit avec bienveillance, et cette objection me parut lui avoir donné une idée assez haute de ma capacité.

— Vous avez bien raison, répondit-il gravement, après une légère pause, aussi de pareilles scènes sont-elles en dehors de l’art, et ne doit-on les considérer que comme de simples divertissemens.

Cela dit, il se remit à fumer un troisième cigare du roi, qu’il venait d’allumer tout en me formulant ce dernier axiome.


XV.

Cependant le double combat avait commencé, et comme je l’avais si bien prévu, c’était chose pénible et fatigante que de suivre en même temps ces deux actions. L’une et l’autre sans doute étaient déjà bien saisissantes, bien terribles. Déjà dans l’une et l’autre arène, un picador, qu’assistaient de leur mieux les capeadors et les chulos, se trouvait aux prises avec un taureau.

La tête me tournait. J’étais étourdi, frappé de vertige, ébloui. Je regardais bien, mais je regardais stupidement, je voyais à peine.

Tout-à-coup une éclatante et universelle clameur s’éleva des