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s’avança vers son adversaire à pas immenses. L’ayant bientôt atteint, il lui lança de côté ses banderillas dans le cou. À peine s’y furent-elles fixées qu’elles s’enflammèrent, et l’on vit soudain la pauvre bête bondir effroyablement au milieu d’une pluie de feu, accompagnée de fortes détonations. Cela dura quelques secondes, pendant lesquelles Gravina put s’éloigner et aller prendre l’épée, en demandant au corregidor la permission de tuer le taureau.

Mais l’animal, si cruellement torturé tout-à-l’heure, ne fuyait plus maintenant. Il brûlait de se venger, et poursuivait les capeadors, écumant, furieux, terrible. C’était bien, au surplus, ainsi qu’on l’avait voulu.

Il n’attendit pas non plus que Gravina fît tout le chemin une seconde fois, et le vint défier encore. L’ayant reconnu sans doute, il courut à sa rencontre. Le matador, le voyant ainsi s’élancer, s’arrêta de son côté, se mit en garde et se pencha du haut de ses échasses, tenant son épée inclinée. Le combat ne fut cependant pas long. Bien que l’estocade fût merveilleusement dirigée, le taureau s’était précipité avec une telle rapidité, la tête si basse, qu’à peine le fer lui entra-t-il dans le cou de quelques pouces. Ce n’était qu’une légère blessure ; ce n’était pas assez pour retenir son élan, car en même temps il heurta de ses cornes si violemment le pied des échasses, que le malheureux matador, perdant l’équilibre, fut renversé sur le dos, de toute leur hauteur.


XIII.

Cette horrible chute m’avait brisé tout entier moi-même. Un nuage passa sur mes yeux. Une sueur froide couvrit mon front. Je demeurai quelques instans comme privé de connaissance, sans plus rien voir, sans plus rien entendre. Puis je me levai brusquement. Cette fois j’étais décidé. Je voulais absolument m’en aller. — Mais je regardai Piedad. Tous ses traits étaient