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REVUE DES DEUX MONDES.

XI.

Au moment où les mules enlevaient au grand galop, traîné sur la poussière, le corps du taureau qui venait d’être ainsi tué, on frappa vivement à la porte de notre loge. — Ce bruit nous réveillait comme en sursaut, et nous tirait d’un bien doux rêve. — Je fus si troublé d’abord, que je ne pus bouger. Cependant on avait frappé de nouveau. — Je me remis un peu. J’éloignai brusquement ma chaise de celle de la marquise, puis je me levai ; je fus ouvrir la porte.

C’était le marquis qui arrivait. Il n’arrivait pas seul au moins. Cela valait mieux. Avec lui venait le comte, le chargé d’affaires de Suède.

— Vous me trouvez bien en retard, dit le marquis avec bonhomie, en entrant dans la loge.

Je ne songeais, je l’avoue, à rien moins qu’à lui en faire le reproche ; pourtant il m’avait mis sur la voie, j’aurais pu lui dire oui. — Mais je fus généreux, je ne répondis rien.

— Eh bien ! poursuivit le marquis, s’adressant à sa femme, comment les choses se sont-elles passées ? Vous êtes-vous fort divertis ?

La marquise se pencha quelque peu hors de la loge, et parut ne pas entendre. — Elle rougit pourtant, mais ne répondit rien non plus.

Notre silence et notre trouble auraient sans doute été remarqués par de soupçonneux et clairvoyans observateurs. Mais le marquis s’était occupé fort peu des paroles qu’il nous avait dites probablement en l’air, par forme de politesse et de conversation. Se retirant d’abord au fond de la loge dans un coin, il se mit à fumer très paisiblement un énorme cigare du roi, et ce fut à peine si les épais nuages de fumée dont il s’enveloppa bientôt, laissè-