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MARCO POLO.

dirigea vers l’île de Bintan, située à la pointe méridionale de la péninsule Malaise (Malayan). Puis remontant vers le nord-ouest par le détroit que forment cette presqu’île et Sumatra, la flotte, après avoir été arrêtée pendant cinq mois pour attendre un vent favorable, passa près des îles Nicobar et Andamans, et traversa la baie du Bengale, en se dirigeant vers l’île de Ceylan, et de là à Olmuz dans le golfe Persique, où se termina cette grande navigation qui dura dix-huit mois.

À peine la jeune princesse, les ambassadeurs persans et nos Vénitiens étaient-ils débarqués, que l’on apprît qu’Arghun, ce roi mongol pour qui on avait amené une fiancée avec tant de peine, était mort depuis quelque temps (1291) ; que le pays était gouverné par un régent, un protecteur, qui passait pour être disposé à s’emparer de la souveraineté, et que le fils d’Arghun le dernier roi, Ghazan, qui par la suite s’est rendu célèbre en remontant sur le trône de son père, était à la tête d’une armée dans le Korasan, attendant l’occasion de faire valoir ses droits. Nos voyageurs, ainsi que la fiancée et les ambassadeurs, dirigèrent leur marche vers ce prince, et lorsque les Vénitiens eurent remis entre les mains de Ghazan le dépôt royal qui leur avait été confié par Kublaï, ils allèrent à Tauris où ils se reposèrent des fatigues de leur long voyage, pendant neuf mois. De là ils atteignirent Trébizonde sur les bords de la mer Noire, où ils s’embarquèrent pour retourner à Venise, leur patrie. Ces trois célèbres voyageurs revirent leur pays en 1295, après une absence de vingt-quatre ans.

Au récit qui précède et qui est extrait de la relation même de Marco Polo, on ajoutera ce que les traditions vénitiennes ont conservé de la vie et des aventures de ces voyageurs, lorsqu’ils furent rentrés dans leur pays, en Europe. On prétend qu’à leur arrivée à Venise, on leur fit une réception à-peu-près semblable à celle qu’Ulysse éprouva en abordant à Ithaque. Ils ne furent reconnus par personne, pas même par leurs plus proches parens ; car, pendant leur longue absence, on avait répandu le bruit de leur mort, et on la regardait généralement comme certaine. D’ailleurs les fatigues des voyages, les inquiétudes d’esprit qu’ils