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vez, repris-je enfin. Je suis un homme, Piedad ; cette scène m’a ému un peu, je l’avoue, mais je puis demeurer ; je puis maintenant supporter le reste.

— Restons, dit-elle, bien bas.

Et en même temps sa main pressa doucement la mienne, et ses yeux à demi fermés me jetèrent un de ces regards qui vous traversent toute l’âme. — Oh ! la course pouvait continuer. Je l’aimais cette course, je la trouvais belle ! — J’étais inhumain peut-être, j’étais sans pitié. — Mais que voulez-vous ? J’étais si heureux !


VIII.

La mort de ce pauvre jeune homme, cet évènement qui m’avait semblé d’abord devoir suspendre la course, avait produit bien peu d’impression dans la place. Rapide et instantané comme il avait été, à peine avait-on eu le temps de le remarquer. Lorsque je regardai de nouveau du côté de l’enceinte, on ne s’y occupait déjà plus du torero tué. Aux amphithéâtres, le peuple s’épuisait seulement encore en joyeuses observations sur la persévérance des deux ânes, qu’aucune bastonnade ne pouvait parvenir à remettre sur leurs pieds.

La gaîté universelle fut cependant bientôt distraite de ce plaisir par un autre spectacle non moins divertissant qui lui fut offert.

Deux chulos entrèrent dans la place, marchant à grand’peine dans de longs paniers défoncés qui leur venaient jusqu’aux aisselles et leur formaient des espèces de robes d’osier. Leurs têtes et leurs bras en sortaient par le haut, et ils tenaient aux mains des banderillas, qu’ils devaient, affublés ainsi, piquer sur le cou du taureau. À vrai dire, la chose n’était pas facile, et dans cet attirail, ils étaient médiocrement libres de leurs mouvemens.

Je tremblai encore en songeant aux suites probables du nou-