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mais ce n’est là qu’une conjecture très vague et que nous donnons pour ce qu’elle vaut.

Puis donc, que, malgré les plus exactes recherches, il nous faut renoncer à l’espoir de retrouver les vies et même les noms des pieux artistes du moyen-âge, nous allons essayer au moins de suivre, dans ses principales révolutions, l’histoire de ces grands travaux impersonnels. À défaut de la vie des artistes, nous tâcherons de reconstruire la biographie de l’art.

La même série de transformations que la critique commence à apercevoir dans l’art antique s’est accomplie dans l’art moderne. En Asie, en Égypte et en Grèce, l’art fut d’abord, comme en Europe au moyen-âge, hiératique ou sacerdotal. En Asie, en Égypte et en Grèce, l’architecture fut, pendant la durée de cette première période, le guide et comme la génératrice de toute cette famille appelée beaux-arts.

On peut diviser en quatre époques l’histoire de l’art en France.

La première, l’époque hiératique, commence avec l’introduction du christianisme et se prolonge jusqu’au règne de Philippe-Auguste, ou à-peu-près. Dans le partage des pouvoirs, celui de l’intelligence était échu au clergé. Dépositaires de la pensée catholique, les évêques la répandirent par la voie des arts comme par la plus efficace des prédications. Le propre des temps hiératiques n’est pas la rapidité des progrès. Ces époques assurent la transmission des procédés, la perpétuité des traditions, le perfectionnement graduel des types. Ces temps sont pour les nations comme les années de la croissance pour les hommes. La seconde période commence au treizième siècle ; c’est l’époque de l’art sécularisé. Avec l’affranchissement des communes vinrent tous les autres affranchissemens. L’art sort des cloîtres. Les artistes ne sont plus des moines et des abbés, mais des maîtres libres, des francs-maçons ; les traditions, les procédés de l’art se perpétuent au moyen de grandes confréries laïques, d’abord secrètes comme les maçonneries allemandes. Bientôt elles se divisent en corporations locales et en maîtrises ; les traditions s’affaiblissent, les secrets se vulgarisent ; la réforme avec sa tendance individualiste, la renaissance