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VOYAGE EN ANGLETERRE.

fait volontiers des tours aux autres, mais qui n’en souffre guère, et qui ne se montre jamais doux et benin que vis-à-vis du beau sexe. Son argent, il le dépense volontiers et avec franchise. Son but est, en général, de passer la vie en riant et de devenir aussi gras et rond qu’il se peut faire. Avec les filles, il est, en tout état, un séducteur. C’est aussi un ami de la bonne chère, mais quand il n’a rien, prêt aussi à vivre de rien ; et quand il faudra mourir, il en sera ce qu’il en sera. Alors, dit-il, la comédie de Punch prendra sa fin et la toile baissera. (M. Punch, ceci sent un peu l’athéisme, ce me semble !)

Après ce monologue, il crie derrière la scène pour appeler Judy, sa femme, qui ne vient point, mais qui, à la fin, lui envoie son chien à sa place. Punch le câline et le flatte, mais le méchant dogue le mord au nez et le retient par ce membre proéminent jusqu’après une longue bataille et de grosses plaisanteries du peu discret Punch, qui finit par le battre vigoureusement. Scaramouche, l’ami de la maison, arrive au milieu de tout ce tapage avec un gros bâton, et il entreprend Punch aussitôt en lui demandant pourquoi il bat le chien favori de Judy, qui n’a jamais mordu personne. — Et moi, je n’ai jamais battu un chien, répond Punch. — Mais, continue-t-il, qu’avez-vous là vous-même dans la main, mon cher Scaramouche ? — Oh ! rien, rien qu’un violon ; voulez-vous en essayer le ton ? Approchez un peu et écoutez cet admirable instrument. — Merci, merci, cher Scaramouche, répond Punch avec modestie, je distingue fort bien les tons de loin. Scaramouche ne se laisse cependant pas éloigner, et tout en s’accompagnant d’un chant fort agréable, en dansant et en agitant son bâton en cadence, il s’approche de Punch et lui donne, comme par hasard, un grand coup de bâton sur la tête. Punch fait comme s’il ne s’en apercevait pas, se met aussi à danser et prenant son temps, il arrache tout-à-coup le bâton des mains de Scaramouche, et lui donne pour débuter un coup si gentil, que la tête du pauvre Scaramouche roule devant ses pieds. — Ah ! ah ! s’écrie-t-il en riant, as-tu entendu le violon, mon pauvre Scaramouche ? quels jolis sons il a ton instrument ! tant que tu vivras, mon bon ami, tu n’en entendras jamais de plus beaux. — Mais où reste donc ma Judy ? Ma douce Judy, pourquoi ne viens-tu pas ?

Pendant ce soliloque, Punch a caché le corps de Scaramouche derrière un rideau, et Judy, le pendant féminin de son