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En sa qualité de descendant de Pulcinella d’Acerra, c’est d’abord, sans aucun doute, un vieux gentilhomme, et Arlequin, Clown et l’Allemand Casperle appartiennent à sa famille ; mais à cause de sa grande hardiesse, il peut passer pour le chef de la race. À la vérité, il n’est pas dévot ; mais, en bon Anglais, il va, sans aucun doute, le dimanche à l’église, quoique aussitôt après il assomme à coups de poing le prêtre qui l’ennuie par quelque tentative de conversion. On ne peut le nier, Punch est un rude coquin, un personnage fort immoral, et ce n’est pas pour rien qu’il est de bois. Personne, par exemple, ne peut mieux boxer, car il ne sent pas les coups des autres, et on ne peut résister aux siens. Avec cela, c’est un véritable Turc, vu le peu de cas qu’il fait d’une vie humaine. Il ne souffre aucune contradiction, et s’inquiète fort peu du diable ; mais, en revanche, sous beaucoup de rapports, il faut admirer ses grandes qualités, la belle sensibilité de son cœur, sa constante bonne humeur, son égoïsme héroïque, sa satisfaction de lui-même que rien n’ébranle, sa causticité que rien ne décontenance ; et la fourberie consommée avec laquelle il sait se tirer de chaque mauvais pas, et qui le fait triompher à la fin de tous ses antagonistes, jette un brillant lustre sur toutes les petites libertés qu’il se permet lorsqu’il s’agit de la vie des hommes. Ce n’est pas sans raison qu’on a trouvé un mélange de Richard iii et de Falstaff dans sa personne. Il réunit aussi aux jambes torses et à la double bosse de Richard l’agréable obésité de Falstaff, plus le long nez italien et les yeux noirs étincelans.

Son habitation est une boîte élevée sur quatre tringles avec les décorations intérieures convenables, un théâtre qui se dresse en peu de secondes au lieu qu’on choisit, et autour duquel une draperie, qui tombe de tous côtés, cache l’âme de Punch, l’être qui le fait mouvoir, et qui lui prête la parole. Ce spectacle, qui s’ouvre journellement dans la rue, varie selon le talent de celui qui interprète Punch au public. Cependant l’ensemble de la représentation est presque toujours le même et à-peu-près tel que suit :

Dès que le rideau se lève, on entend Punch fredonner, derrière la scène, la chansonnette française : Marlborough s’en va-t-en guerre, et puis après, il paraît lui-même en dansant et de bonne humeur, et informe, en vers comiques, les spectateurs de son origine. Il se donne pour un joyeux et agréable compère, qui