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VOYAGE EN ANGLETERRE.

trouvai le jardin très changé, mais à peine à son avantage ; car il y règne maintenant un mélange de régularité et d’irrégularité qui produit un désagréable effet. En général, la triste mode de planter les pleasure-grounds d’arbres rares et sur une seule ligne, s’est introduite depuis quelque temps en Angleterre, et donne aux parcs l’aspect d’une pépinière. M. Nash seul s’écarte de ce principe, et sous ce point de vue, les nouveaux jardins du roi à Buckingham-House sont de véritables modèles. Ce qui favorise particulièrement le jardinage en Angleterre, c’est la douceur du climat. Le laurier-rose et le laurier de Portugal, les accacias, le rododindron, ne gèlent jamais, et fournissent l’hiver et l’été des haies magnifiques chargées de fleurs et de baies ; les magnolias ont rarement besoin d’être couverts ; les camelias même passent l’hiver dans des lieux abrités sous une simple cloche. Le gazon conserve tout l’hiver sa belle fraîcheur. Dans cette saison, il est même beaucoup plus beau que dans l’été. Mais en ce moment, dans l’automne, toute la végétation est dans son plus grand éclat. Un bel effet du parc de Chiswick est un arbre isolé qui s’élève devant la maison, dépouillé depuis le tronc jusqu’à son sommet, et sous lequel on aperçoit tout le jardin, et une grande partie du domaine ; c’est une bonne idée pour un jardin de paysage, et je te la recommande. L’allée de cèdres de ce lieu est célèbre, et elle atteint à la hauteur de nos plus vieux pins. Il est remarquable que nulle part en Angleterre, les orangers n’arrivent à un grand développement ; cette partie du jardinage est aussi fort mesquine.

Je vis pour la première fois dans les serres le grand ananas dit de providence, dont chaque fruit pèse jusqu’à douze livres. Malheureusement Chiswick n’a que des eaux dormantes et quelquefois si basses, que l’éléphant qui est dans la ménagerie du parc, pourrait les boire d’un trait, un jour de soif.

Après une heure d’une traversée rapide, à travers une double rangée de villas et de maisons de campagne de tout genre, au milieu du tumulte des cavaliers, des voitures de campagne et des tombereaux de charbon, attelés de chevaux gigantesques, et entre tout cela de belles vues accidentelles sur la Tamise, j’arrivai de nouveau à Hyde-Park’s corner et je revins m’enterrer dans le labyrinthe de l’incommensurable ville.

Le jour suivant, je visitai la Cité avec mon laquais de louage, Suisse qui a voyagé en Égypte, en Syrie, en Sibérie et en