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MŒURS DES AMÉRICAINS.

manière, au dix-neuvième siècle, imposer des entraves aux spéculations religieuses du philosophe ; mais c’est à-la-fois leur droit et leur devoir de contenir dans de certaines limites les opinions aveugles et flottantes de la multitude. Il y a réellement quelque chose de pitoyable dans les effets que produit en Amérique la liberté absolue. J’ai connu une famille où sur trois femmes, l’une était méthodiste, l’autre presbytérienne, et la troisième baptiste ; une autre, où sur le même nombre, une était quaker, une autre athée déclarée, et la troisième universaliste. Toutes ces femmes appartenaient à la meilleure société ; mais des six il n’y en avait pas une qui ne fût aussi peu capable de raisonner sur de pareilles matières que l’enfant qui est en nourrice, quoique toutes le fussent parfaitement de marcher avec fermeté et conscience dans une voie qui leur aurait été tracée. Mais je m’arrête. Je mériterais qu’on m’appelât moi-même un prédicateur ambulant si je poursuivais. »


Ailleurs, mistress Trollope consacre un chapitre tout entier à des considérations sur le même sujet. Nous en extrairons le passage suivant.


« Je m’étais souvent laissé dire, avant mon voyage en Amérique, qu’un des plus grands bienfaits de sa constitution était l’absence d’une religion nationale ; par là, me disait-on, le pays se trouve déchargé de l’entretien du clergé, et ceux-là seuls paient les prêtres qui s’en servent. Mon séjour en Amérique m’a prouvé que la tyrannie religieuse peut très bien s’exercer sans l’assistance du gouvernement, et d’une manière beaucoup plus oppressive que par le paiement de la dîme ; et que la seule différence entre les deux régimes, c’est que le plus libéral substitue une licence effrénée à ce décorum salutaire qui est le résultat d’une forme religieuse consacrée.

« La population des États-Unis est, pour ainsi dire, partagée en une multitude infinie de factions religieuses, et l’on m’assura que pour être bien accueilli dans la société, il était indispensable de se déclarer le partisan de l’une d’elles. Quelle que puisse