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maison. Ses trois filles, qui étaient présentes, ne purent s’empêcher de se récrier ; mais le vieil homme ajouta avec fermeté : « Révérend père, si vous vous montrez de nouveau chez moi, non-seulement je vous montrerai la porte de ma maison, mais je ferai en sorte qu’on vous montre celle de la ville. » Il fallut se soumettre ; le prédicateur se retira, et le jour même il disparut de la ville. Mais au bout de quelques mois, des bruits étranges commencèrent à circuler dans les sociétés qu’il avait fréquentées, et au bout de quelques autres encore, sept malheureuses filles mirent au monde des preuves vivantes de la sagesse et de la prévoyance du père de celle qui me racontait cette histoire.»


Nous n’avons pas besoin de dire combien les extravagances d’un pareil christianisme ont effrayé l’imagination et le bon sens de notre voyageuse : on a déjà pu s’en apercevoir. À la suite d’un des récits que nous avons rapportés, elle ajoute les réflexions suivantes :


« N’est-il pas étonnant que le peuple le plus intelligent du monde préfère les folies capricieuses d’un tel christianisme à des dogmes épurés et fixés pour la sagesse et la piété des hommes les meilleurs et les plus éclairés, solennellement sanctionnés par la loi nationale, et rendus sacrés par le long respect des générations précédentes ?

« Il me semble que les hommes qui sont appelés parmi nous à régler les rapports de l’état avec l’église, feraient bien d’observer avec soin et sans préjugés, les résultats de l’expérience qui se fait en cette matière de l’autre côté de l’Atlantique. Peut-être leur apprendrait-elle beaucoup mieux que la spéculation abstraite, quels sont les points que la loi doit régler, et quels sont ceux qu’elle doit laisser à la libre opinion du peuple. Je suis intimement convaincue que si un adorateur du feu ou un brahmine indien arrivait aux États-Unis, préparé à prêcher et à prier en anglais, il ne tarderait pas à réunir autour de lui une fort jolie congrégation.

« Assurément, le gouvernement et la loi ne doivent en aucune