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REVUE DES DEUX MONDES.

J’étais sur les épines ; je sentais qu’on allait entrer, que peut-être on voyait, que certainement on écoutait. La Terreur était dans l’air, partout, et surtout dans cette chambre. Je me levai et marchai, pour qu’au moins on entendit de longs silences, et que la conversation ne parût pas suivie. Il me comprit et marcha dans la chambre, dans le sens opposé. Nous allions d’un pas mesuré, comme deux soldats en faction qui se croisent ; chacun de nous prit, aux yeux de l’autre, l’air de réfléchir en lui-même, et disait un mot en passant, l’autre répondait en repassant.

Je me frottais les mains.

— Il se pourrait, dis-je assez bas, en ne faisant semblant de rien et en allant de la porte à la cheminée, qu’on nous eût réunis à dessein. Et très haut : Joli appartement !

Il revint de la cheminée à la porte, et, en me rencontrant au milieu, dit :

— Je le crois ; puis, en levant la tête : Cela donne sur la cour.

Je passai.

— J’ai vu votre père et votre frère ce matin, dis-je ; et en criant : Quel beau temps il fait !

Il repassa.

— Je le savais ; mon père et moi nous ne nous voyons plus, et j’espère qu’André ne sera pas long-temps là. — Un ciel magnifique !

Je croisai encore.

— Tallien, dis-je, Courtois, Barras, Clauzel, sont de bons citoyens, et avec enthousiasme : C’est un beau sujet que Timoléon.

Il me croisa en revenant.

— Et Barras, Collot-d’Herbois, Loseau, Bourdon, Barrère, Boissy-d’Anglas… — J’aimais mieux encore mon Fénélon.

Je hâtai la marche.

— Ceci peut durer encore quelques jours. — On dit les vers bien beaux.

Il vint à grands pas et me coudoya.

— Les Triumvirs ne passeront pas quatre jours. — Je l’ai lu chez la citoyenne Vestris.