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UN ADIEU.

— Nous sommes des enfans, dit-elle enfin d’une voix douce et presque calme. Voyons, John, remettez-vous ; je vais sonner et demander de la lumière, levez-vous et placez-vous au balcon pendant ce temps. Allons, mon ami, du courage, ce n’est pas raisonnable de pleurer ainsi. Tenez, prenez ce mouchoir, essuyez-vous les yeux.

Je saisis son mouchoir qu’elle me tendit, et je courus à la croisée. Ô bonheur ! son mouchoir ! — Son mouchoir ! — Et il était tout humide. Je le portai d’abord à mes lèvres et l’y pressai long-temps, puis je le cachai dans mon sein. Relique précieuse et sacrée ! gage des adieux ! je te conserve encore, je te conserverai toujours sur mon cœur avec les larmes de Mercedès, comme mon plus saint talisman.

Il devait être tard. La rue d’Alcala était presque déserte et les quien vive ? des factionnaires des corps-de-garde commençaient à s’y faire entendre. Je refermai la fenêtre.

Je retrouvai le salon éclairé, l’on avait allumé les lampes de la cheminée et de la console. Il y avait aussi deux bougies sur la petite table à ouvrage devant la comtesse, qui, ayant repris sa place habituelle au bout du canapé, était occupée à examiner de la tapisserie.

Je m’approchai de la comtesse ; la tête baissée, elle semblait disposer son canevas et en compter les points avec une extrême attention.

— Mercedès, lui dis-je, ce serait un grand bonheur pour moi de vous entendre une fois encore. Ne voulez-vous pas me chanter quelque chose ?

Elle tressaillit et leva la tête.

— Oh ! oui, mon ami, je le veux bien. Je ne sais pourtant si je pourrai chanter ce soir ; j’essayerai du moins.

J’ouvris le piano et j’y conduisis la comtesse, puis je demeurai debout près d’elle.

— Que voulez-vous donc que je vous chante, John ?

— Oh ! ce qui vous plaira, mon amie. C’est un peu de votre