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les médailles, sont prodigués aux cantatrices, et les hommes qui honorent leur patrie restent dans l’oubli. Les bustes de madame Pasta et d’autres chanteuses sont placés dans plusieurs établissemens publics. Pendant mon séjour à Milan, on frappait des médailles en l’honneur de madame Lalande… ; et un prince étranger nouvellement arrivé demandait vainement au vice-roi à voir Manzoni ; l’archiduc et ses courtisans restaient interdits, ne sachant ce que c’est que Manzoni. Je cherchai plusieurs jours l’adresse de Romagnosi, sans que personne pût m’indiquer l’humble demeure de ce vénérable vieillard. À Come, madame Pasta ne sortait jamais dans la rue sans être accompagnée d’une espèce de garde d’honneur, formée de tout ce qu’il y avait de plus distingué dans la société de Milan ; et c’est à Come que Volta a passé ses dernières années sans que personne daignât faire attention à lui !

Il s’en faut de beaucoup que tous les savans de la Lombardie soient réunis à Milan. Pavie, dont l’université, dans le siècle dernier, compta à-la-fois pour professeurs Volta, Spallanzani, Scarpa, Paoli, etc. ; Pavie, quoique moins célèbre aujourd’hui, renferme encore des hommes du plus grand mérite. Il faut placer à leur tête Scarpa dont les travaux sur l’organe de l’ouïe, sur les yeux, sur les nerfs, sont si connus des anatomistes. Mais il y a un trait de la vie de Scarpa moins connu que ses ouvrages, et que nous devons signaler. Ce célèbre physiologiste, qui était déjà professeur à l’époque de l’invasion française en Italie, ne voulut pas prêter serment au nouveau gouvernement, et perdit sa place. Quelques années plus tard, lorsque Napoléon alla se faire couronner roi d’Italie, il visita l’université de Pavie, et se fit présenter les professeurs. « Où est donc M. Scarpa ? » dit-il. On lui expliqua la cause de son absence. « Eh ! qu’importent le refus du serment et les opinions politiques ? répliqua-t-il, Scarpa honore l’université et mes états. » — Depuis cette époque, Scarpa est toujours resté professeur ; quoique fort âgé, il n’a jamais interrompu ses recherches savantes ; et M. Cuvier, peu de jours avant sa mort, avait fait connaître à l’Institut les curieux résultats auxquels ce doyen des anatomistes italiens était