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une jeune, l’autre vieille. La jeune dame était très jolie ; une tournure élégante ; sur ses cheveux blonds elle portait un chapeau de satin noir, dont les plumes blanches étaient agitées par le vent ; ses épaules étaient couvertes d’un manteau de soie noire qui dessinait ses formes, et son grand œil calme contemplait paisiblement l’immensité qui se déroulait devant nous.

Je liai conversation avec la jolie dame. Elle parlait peu, mais elle écoutait attentivement. Je développai, à mon étonnement, de grandes connaissances en géographie. Je nommai à la belle personne curieuse de s’instruire, toutes les villes qui étaient à nos pieds, et je les lui montrai sur ma carte que j’avais déroulée doctoralement sur la table de pierre qui se trouvait au milieu du pavillon. Il y eut mainte ville que j’eus de la peine à trouver, car je la cherchais plus avec mes doigts qu’avec mes yeux qui étaient fixés sur la jolie figure. Je ne sais dans quel rapport se trouvait le petit monsieur avec les dames qu’il accompagnait. C’était une mince, remarquable figure. Une petite tête parcimonieusement couverte de petits cheveux gris dont quelques-uns traversaient un front étroit, et tombaient sur des yeux brillans et malicieux qui ressemblaient à des libelles. Le nez se projetait avec aisance, et la bouche et le menton se retiraient péniblement ; en général tout ce petit visage semblait composé avec cette pâte molle et jaunâtre dont les sculpteurs se servent pour pétrir leur premier modèle, le petit homme ne disait pas un mot ; il se contentait de sourire quand la vieille dame lui adressait une parole agréable.

Celle-ci était la mère de la plus jeune et avait aussi des manières distinguées. Son œil trahissait une disposition rêveuse et maladive, sa bouche sévère exprimait la rigueur et la piété ; mais il me sembla que cette bouche avait dû jadis être fort jolie, que ses lèvres avaient beaucoup souri autrefois, qu’elles avaient reçu beaucoup de baisers, et qu’elles en avaient aussi beaucoup rendu. Les deux dames avaient été cette année en Italie, avec leur compagnon, et elles contaient beaucoup de choses de Rome, de Florence et de Venise. La mère parlait