Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/566

Cette page a été validée par deux contributeurs.
560
REVUE DES DEUX MONDES.

rapidité précise, avaient produit laborieusement comme Byron ou Alfieri ; si au lieu de se contenter, pour traduire leur pensée, du premier mot venu, ou, pour suspendre l’attention et la curiosité, du premier moyen qui se présente à leur imagination, ils avaient pris plus de souci du plan et de l’expression dans leurs œuvres, les copistes, effrayés de la difficulté d’un pareil travail, n’auraient pas essayé une tâche au-dessus de leurs forces, et qui eût résisté à leur impuissance, comme la lime au serpent.

Toutefois, Pelham n’ayant rien de commun avec le savoir qu’on peut trouver dans les livres, empruntant à la vie réelle, aux salons et aux boudoirs, tout son charme et tout son intérêt, a dérouté, plus vite encore qu’Ivanhoë, ceux qui voulaient peindre ce qu’ils n’avaient pas vu ou ce qu’ils avaient mal regardé. Aujourd’hui la réaction de 1828 est à peu près effacée. Les romans de high life, auxquels M. Bulwer paraît avoir renoncé, ont pris un caractère nouveau, plus grave et plus direct, celui de la satire parlementaire, de la comédie politique.

Depuis quatre ans, l’auteur de Pelham a publié successivement L’Enfant désavoué, Devereux, Paul Clifford et Eugene Aram. Chacun de ces romans, sans révéler littéralement une manière inattendue, indique cependant une grande variété d’aperçus, une faculté puissante dans la création des caractères. Le premier, the Disowned, est inférieur à Pelham. Bien que le stoïcisme romain, la vertu antique de Mordaunt domine réellement le livre, cependant les incidens y sont trop multipliés, les transitions trop brusques, et, comme on l’a dit justement dans la patrie de l’auteur, trop Ariosto-like. Ce roman est d’ailleurs plus voisin du mélodrame que de la tragédie.

Devereux est tout entier consacré à la peinture du passé. Les deux principales figures qui animent la scène sont Bolingbroke et Louis d’Orléans. La fable y est plus habilement et plus solidement nouée que dans les ouvrages précédens. L’unité dramatique y est sévèrement respectée.

Paul Clifford forme avec Pelham un contraste frappant par la nature des personnages. La plupart des acteurs sont tirés de la dernière classe, et parlent le langage du vice. Malgré l’inté-