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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

veilleuse. Quoiqu’il ne soit guère connu en France que par un travestissement assez médiocre, Paris se trouva cette fois du même avis que Londres. C’est qu’en effet, outre le mérite réel du roman en lui-même, nous vivions alors à une époque de répit pour les haines et les controverses politiques. M. de Villèle était tombé sous les attaques multipliées de la tribune et de la presse ; son successeur, M. de Martignac, avait essayé, avec une rare et louable adresse, la réconciliation des deux principes qui, depuis treize ans, se faisaient une guerre acharnée, et dont le duel implacable devait se terminer par la chute et l’exil d’une dynastie. Il avait pris et remplissait avec assez d’habileté le rôle d’entremetteur entre la cour et la nation. Il déguisait à chacune des parties l’étendue et l’inflexibilité de leurs mutuelles exigences ; et grâce à ce manège, plus convenable, il est vrai, aux soubrettes de théâtre, qui veulent raccommoder deux amans brouillés, et spéculer sur une bouderie et un serrement de main, qu’au ministre d’un roi, il avait obtenu une trêve de quelques mois. L’émigration, malgré son aveuglement, n’avait pas pris le change. Son entêtement qui avait tenu bon contre la Convention, le Directoire, le Consulat, l’Empire et les Cent jours, ne pouvait pas se rendre aux promesses et aux espérances du ministre. Mais l’animosité populaire, fatiguée, malgré la franchise de ses vœux, de toutes les luttes qu’elle avait soutenues depuis trente-neuf ans, presque blasée sur les victoires qu’elle avait remportées, et que deux ou trois roués avaient toujours su escamoter à leur profit, avait posé les armes, et sans quitter la partie, se contentait d’escarmouches inoffensives.

Et ainsi, il ne faut pas une grande pénétration pour comprendre que cet interim était singulièrement favorable aux lectures, aux discussions, et au succès littéraires. Pelham, quoique mutilé avec une liberté plus que cavalière, fut cité partout à Paris, dans les cafés et les salons comme le manuel du dandysme le plus parfait et le plus pur. Pour moi, qui jusqu’ici n’ai pas pu voir de près et par mes yeux le modèle que M. Bulwer a voulu peindre, j’avais lu son livre comme distraction et comme étude, pour compléter mes renseignemens