Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/554

Cette page a été validée par deux contributeurs.
548
REVUE DES DEUX MONDES.

comme en transcrivant nos citations, nous avons considéré de plus près et plus en détail le mécanisme du style et de la composition de l’auteur, nous ne terminerons pas sans ajouter quelques nouvelles et courtes observations qui s’appliquent surtout au mode et aux élémens de fabrication employés par Washington Irving dans ses livres.

Assurément, nous le répétons, c’est un écrivain bien spirituel et bien élégant que l’auteur de l’Alhambra ; mais plus on met de soin à l’étudier, mieux on s’aperçoit que l’originalité lui manque complètement. Il sait à merveille employer quatre ou cinq manières, mais toutes sont empruntées ; il n’en a pas une à lui.

On ne le contestera pas : quelque consciencieux et distingués que soient ses ouvrages historiques, c’est bien moins comme historien que comme essayist qu’il se recommande. Eh bien ! dans ses essais, sauf l’originalité du fond de ses sujets américains, trouvez-vous quelque chose de neuf et qui lui appartienne en propre ? Prenez le premier Sketch Book, les Tales of a traveller, Bracebridge-Hall. Qu’y rencontrez-vous ? Bien souvent la grâce harmonieuse d’Addison, puis parfois la verve de Swift, parfois le caprice et les boutades de Sterne, parfois aussi la douceur aimable et la nonchalance sentimentale de Mackensie. Où est Washington Irving ? Prenez maintenant son dernier livre, l’Alhambra, le New Sketch Book. Ce sont bien les mêmes emprunts continués, seulement il y en a d’autres. À côté des anciennes contre-façons, vous en voyez de nouvelles. Si je ne me trompe, voici quelque chose de la fine gaîté de notre Lesage, puis un peu de la bonhomie caustique de Cervantes. Où est encore là Washington Irving ? Il est vrai que nous sommes en Espagne, et que Cervantes est un admirable modèle ; cependant en Espagne surtout, et près de Cervantes, nous voudrions que l’auteur américain fût un peu lui-même.

Mais que voulons-nous donc ? N’est-il pas vraiment toujours et partout lui-même, c’est-à-dire un esprit flexible, aimable et varié, un artiste ingénieux, façonnant sa pensée selon les meilleurs modèles et la jetant dans les meilleurs moules ; l’inventeur