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quelle agréable surprise c’était de trouver ainsi le printemps tout éclos !

À vrai dire, nous renaissons seulement avec lui. Les communications et les visites recommencent entre les deux rives de la Seine. Je sais telle jeune comtesse du faubourg Saint-Honoré, femme assurément la plus vive et la plus spirituelle du monde, mais chez laquelle on n’avait certes pas soupçonné jusqu’ici beaucoup de force d’âme, et qui n’a cependant pas craint, depuis les premiers jours de mai, de se faire conduire au faubourg Saint-Germain, les glaces de sa voiture baissées. Ces exemples de courage deviennent plus fréquens chaque jour. On revoit les riches équipages se croiser sur le Pont-Royal. Dans les salons reparaissent aussi ceux de leurs habitués que n’a point emmenés la poste, ce qui ne veut pas dire cependant que les routs soient encore à Paris, en ce moment, bien nombreux.

Quant aux théâtres, ils semblent avoir plus de peine encore à se repeupler. Il est vrai que pour rappeler la foule, ils ne se sont guères mis en frais de nouveautés. Le Théâtre-Français surtout, fier sans doute d’être sans rival depuis la chute de l’Odéon, paraît vouloir se borner à cette gloire et se complaire dans sa solitude. Après avoir essayé du Duelliste, comédie de mœurs qui rappelle le meilleur temps de M. Casimir Bonjour, il s’en tient à Louis xi, et laisse le drame consciencieux de M. Casimir Delavigne poursuivre imperturbablement son succès dans le désert.

L’Opéra seul n’a pas souffert qu’on abandonnât le chemin de sa caisse. Ce théâtre semble s’être au contraire attribué, dans les derniers temps, le monopole du public et des recettes. Au défaut de la Sylphide, qui s’est envolée vers Londres, un puissant magicien s’est chargé de convoquer tout Paris au théâtre de M. Véron.

Vous comprenez de reste que je veux parler de Paganini : c’est vraiment un être merveilleux que Paganini ; ce n’est point un homme qui joue du violon. Il semble que ce soit un violon qui joue d’un homme. Assurément il y a toute une âme dans cet instrument : celle de l’artiste, dès qu’il le touche, y passe du