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la passion ! Gustave, tout-à-l’heure si calme, hôte moqueur de son hôte empressé, à peine a-t-il taillé ce diamant, lapidaire improvisé, que voilà son œil qui flambloie, sa poitrine qui se soulève ; tout son être se contracte sous le poids du désir. Oh ! la passion ! la passion ! Quand elle est vraie et puissante, elle se fait jour à travers tous les pores, elle fait taire toutes les intelligences, elle soumet toutes les volontés ! Le diamant était là qui étincelait de mille feux : c’était une flamme compacte, azur et or, et bleu de ciel. On la voyait grandir : c’était le premier éclat qu’il jetait, pauvre diamant enfermé dans un roc stérile et terne depuis le commencement du monde, — et devant ce trésor, ce jeune homme simple et bon, — rêveur enthousiaste, — poète dans l’âme, mais fasciné, fasciné à en mourir ! — Et puis, dans ce crâne noir qui bouillonne, la vieille et sainte liqueur, qui dépose dans les veines son âme vineuse enterrée depuis des siècles ; — et puis l’ivresse, la joie, la surprise, l’ambition ! Oh ! ce diamant tout seul sur cette table, — et à côté de ce diamant, pour le garder, un vieillard faible et à moitié endormi, — et dans les mains du jeune homme, ce poignard de l’Orient, cette force habile qui perce et qui tue ! — Quelque chose de plus fort qu’un sceptre ! Gustave, pauvre Gustave ! Il était haletant, perdu, muet, mort, dans cette horrible contemplation.

Il voulut faire encore acte d’intelligence. L’intelligence lui manqua. Il voulut détruire son idole : il frappa le diamant avec le fer ; mais, cette fois, devenue diamant tout-à-fait, la pierre repoussa le fer. Le diamant était arrivé à son état le plus pur : il s’était élevé au rang de toutes les forces qui existent par elle-même : il était ; rien ne pouvait rien contre lui. Pauvre faible enfant, qui croit briser un diamant avec un poignard ! — Se voyant repoussé, et voyant son fer émoussé, le jeune homme pâlit, et grinça des dents.

Il se leva. — Vieillard, dit-il, donne-moi ton diamant !

— Mon diamant ! dit le vieillard, que veux-tu ! C’est mon bien, c’est ma vie, c’est mon sang ! Je vous l’ai montré, pour vous faire honneur, mon hôte ! comme on fait entendre un son dans l’air, — comme on dit à sa jeune femme, ou à sa fille, enfant