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HONESTUS.

vice n’est pas toujours une mauvaise chose… Hum ! hum ! le vice a son bon côté… Hum ! hum ! les plus honnêtes gens sont tombés dans le vice, jeune homme, et vous-même qui êtes si honnête, si bien né et si jeune, et dont l’aumône est si facile, vous-même… Eh ! que diriez-vous, si vous deveniez tout-à-coup ivrogne, meurtrier, parricide et voleur ? Je ne parle que de cela, car pour les crimes d’amour, ce ne sont pas des crimes.

Gustave, entendant parler ainsi le vieillard, leva les épaules et se mit à chanter d’un air goguenard : Triste raison, j’abjure ton empire.

Ainsi parlant et chantant, ils arrivèrent à une porte qui s’ouvrit toute grande devant eux ; la voiture entra dans une cour sablée et silencieuse. — « Il me semble, dit le vieillard, que j’ai un meilleur portier que le vôtre, monsieur. » La voiture s’ouvrit de nouveau. Un escalier de pierre se présenta, les deux amis montèrent ; ils traversèrent un vestibule, une grande chambre tendue en noyer, un petit cabinet en mosaïque déjà plus élégant, puis enfin ils s’arrêtèrent dans un petit salon de bonne humeur ; la flamme dansait en pétillant dans le foyer, les meubles reluisaient avec un air de bonhomie tout-à-fait satisfaisant ; onze heures sonnaient quand ils entrèrent dans ce lieu.

— Mon jeune ami, dit le vieillard, je vous assure que votre bonne volonté pour moi me rend très heureux dans cet instant. Cette heure de la nuit que vous voulez bien m’accorder m’est précieuse et chère, je veux donc que vous la passiez d’une manière agréable et décente, puisque vous êtes un homme de vertu. Il est bien vrai qu’un peu de vice assaisonne agréablement la vie, mais vous avez ôté le vice de la vôtre, et nous serons bien forcés de nous en passer pour ce soir, puisque ainsi vous l’avez résolu.

Le jeune homme laissa dire le vieillard, il accepta toutes ses prévenances d’un air passablement dédaigneux. Il s’étendit fort à son aise dans un large fauteuil. Il s’approcha du feu, et s’établit en maître à la meilleure place ; puis, il regardait de côté et d’autre, les magots de la cheminée, les peintures du plafond, la dorure des corniches, et derrière lui les tableaux rouge et bleu