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AVENTURES D’UN VOYAGEUR.

« Le jour suivant, je me dirigeai vers le nord-est, et me trouvai dans un pays varié de bois et de lacs. Je vis un grand nombre d’oiseaux sauvages, d’oies, de canards, de courlieus, de sarcelles, quelques éperviers, des cormorans et une vingtaine de chevreuils réunis ; mais je n’eus d’autre ressource, pour apaiser les tourmens de la faim, que de mâcher de l’herbe. Les serpens à sonnettes furent aussi très nombreux ce jour-là, ainsi que les lézards à cornes et les sauterelles. Ces dernières me tenaient dans un état continuel d’alarmes, tant le bruit de leurs ailes ressemblait à celui que fait entendre le serpent à sonnettes, quand il se prépare à s’élancer sur sa proie. J’arrivai enfin sur les bords d’un lac où je trouvai des cerises sauvages. Mon souper fut abondant. Je me couchai sous les arbres ; mais, pendant la nuit, les hurlemens des loups et le grognement des ours me réveillèrent plusieurs fois, et finirent par m’empêcher complètement de dormir.

« Le matin du 21, je remarquai, en me levant, de l’autre côté du lac, l’entrée d’une grande caverne : c’était sans doute de là qu’étaient partis les hurlemens qui m’avaient tant effrayé pendant la nuit. Je me déterminai à faire dorénavant de courts voyages et dans différentes directions, dans l’espoir de trouver quelques traces de cheval nouvellement foulées, et, si je ne pouvais pas réussir, je devais chaque soir revenir au lac, où du moins j’étais sûr d’avoir de l’eau et des cerises. Je partis donc de bonne heure, en me dirigeant vers le sud, à travers un pays aride et sauvage, sans eau, sans végétation aucune, excepté quelques touffes d’herbes brûlées. Je m’étais armé d’un long bâton, avec lequel je tuai quelques serpens à sonnettes. N’ayant découvert aucune trace nouvelle, je rejoignis mon lac le soir, accablé de faim et de soif, et je repris possession de ma couche. J’étais au moment de m’y étendre, quand je vis un loup sortir de la caverne qui était en face de moi ; pensant que je ferais bien de prendre l’offensive avec lui, pour qu’il ne s’imaginât pas que j’étais effrayé, je ramassai quelques pierres que je lui jetai, et j’eus le bonheur de l’attraper à une patte. Il rentra en criant dans sa caverne, et, après avoir attendu quelque temps dans