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moindre mouvement, lorsque, pour surcroît de malheur, j’aperçus tout-à-coup trois serpens à sonnettes à quelques pieds de ma tête. Les hommes qui me suivaient vinrent heureusement à mon secours dès qu’ils entendirent mes cris, et me tirèrent avec peine de ma douloureuse position. »

Après être resté quelque temps chez les Indiens nez percés, et avoir franchi quelques hautes montagnes, on arriva après une longue marche, à une espèce d’oasis, sur le bord d’un ruisseau, où l’herbe était épaisse et verte, et où s’élevaient de jolies fleurs.

« Il est inutile de dire qu’après une marche de huit heures nous déjeunâmes avec appétit ; après ce repas je me promenai le long du ruisseau en cueillant des cerises, et j’arrivai bientôt à un joli petit berceau formé de sumach et de cerisiers. Je m’y assis pour jouir de la délicieuse fraîcheur qui y régnait. C’était un endroit charmant ; et en face de moi, de l’autre côté du ruisseau, s’élevaient de hautes touffes et d’épais arbrisseaux d’aubépines, de chèvrefeuilles, de rosiers sauvages et de groseilliers. La ressemblance qu’avait ce site avec l’habitation d’été d’un de mes amis, où bien des jours heureux s’étaient écoulés pour moi, me rappela mon pays avec toutes ces douces souvenances. Je m’abandonnai à la rêverie, j’oubliai ma situation, et la fatigue ne tarda pas à me fermer les yeux. Quand je m’éveillai, il était près de cinq heures ; à en juger par la hauteur du soleil. Autour de moi tout était calme et silencieux comme la tombe. Je courus au lieu où nous avions déjeuné ; personne à la place où les hommes avaient allumé leurs feux ! Hélas ! tous, tous étaient partis, et pas une trace d’un pas d’homme ou de cheval ne se voyait dans la vallée. Le courage fut près de m’abandonner. Je criai, j’appelai de tous côtés, à en perdre la voix. Ce fut en vain. Bientôt je ne pus plus me cacher que j’étais seul dans un pays sauvage et désert, sans cheval, sans armes, sans abri, et presque sans vêtemens. N’ayant plus d’autre ressource que de m’assurer de la direction prise par la caravane, je me mis à examiner le terrein, et vers la pointe nord-est de la vallée, je découvris des traces de pied de cheval, que