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CONSULTATIONS DU DOCTEUR NOIR.

remplir d’hommes, de femmes et d’enfans aujourd’hui, à ce que j’ai entendu dire. C’est Rose qui l’a dit dans la cour, sous ma fenêtre, en chantant. La bonne Rose a une voix qui fait du bien à tous les prisonniers. Cette pauvre petite !

Elle se remit un peu, se tut un moment, passa sa main sur ses yeux qui s’attendrissaient, et reprenant son air noble et confiant :

— Ce que je voulais vous demander, me dit-elle, en appuyant légèrement le bout de ses doigts sur la manche de mon habit noir, c’est un moyen de préserver de l’influence de mes peines et de mes souffrances l’enfant que je porte dans mon sein. J’ai peur pour lui…

Elle rougit, mais elle continua malgré la pudeur et la soumit à entendre ce qu’elle voulait me dire.

Elle s’animait en parlant.

— Vous autres hommes, et vous, tout docteur que vous êtes, vous ne savez pas ce que c’est que cette fierté et cette crainte que ressent une femme dans cet état. Il est vrai que je n’ai vu aucune femme pousser aussi loin que moi ces terreurs.

Elle leva les yeux au ciel.

— Mon Dieu ! quel effroi divin ! quel étonnement toujours nouveau ! Sentir un autre cœur battre dans mon cœur, une âme angélique se mouvoir dans mon âme troublée, et y vivre d’une vie mystérieuse qui ne lui sera jamais comptée, excepté par moi qui la partage ! Penser que tout ce qui est agitation pour moi, est peut-être souffrance pour cette créature vivante et invisible ; que mes craintes peuvent lui être des douleurs, mes douleurs des angoisses, mes angoisses la mort ! — Quand j’y pense, je n’ose plus remuer ni respirer. J’ai peur de mes idées, je me reproche d’aimer comme de haïr, de crainte d’être émue. — Je me vénère, je me crains comme si j’étais une sainte ! — Voilà mon état.

Elle avait l’air d’un ange en parlant ainsi, et elle pressait ses deux bras croisés sur sa ceinture, qui commençait à peine à sélargir depuis deux mois.

— Donnez-moi une idée qui me reste toujours présente, là,