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UNE JEUNE POÈTE ANGLAISE.

qui s’éprit de Garrick dans le rôle brillant de Lothario, au point de vouloir l’épouser, et se guérit de sa passion, en revoyant le même acteur dans le personnage ridicule de Falstaff. Elle aussi confondait l’homme avec sa création : ce n’était point Garrick qu’elle aimait, c’était Lothario.

Les jugeurs du temps de Boileau lui criaient :

Critiquer Chapelain ! ah ! c’est un si bon homme !

Les nôtres, qui rient de ceux-là, disent gravement, en fermant un livre : « Je ne ferais pas mon ami de cet homme, ou : Je n’épouserais pas cette femme, » ce qui me paraît, à moi, tout aussi judicieux en matière littéraire.

Ceci nous ramène à miss Landon, qui sans doute s’est vue plus d’une fois exposée à de semblables jugemens. Elle-même, dans la préface d’un de ses volumes de poésie, se plaint spirituellement de cette manie de rechercher la vie d’un auteur dans ses ouvrages, et de rejeter sur sa personne le blâme que pourraient mériter ses idées. J’espère ne point encourir de sa part un pareil reproche, étant d’avis que, si miss Landon est jeune, aimable, honorable et honorée, ce sont choses dont il faut féliciter ses amis, sa famille et surtout elle-même, mais dont le lecteur n’a pas droit de s’enquérir. Je me bornerai à analyser de mon mieux le caractère de son talent.

Miss Landon, à en juger par la fréquence de ses publications, doit écrire avec une prodigieuse facilité. En moins de six années, elle a fait paraître quatre volumes, chacun de quatre à cinq mille vers. Les deux premiers, l’Improvisatrice et le Troubadour , sont des poèmes d’une étendue considérable, suivis tous deux de poésies détachées.

Le troisième, la Violette d’or, est un cadre qui permet au poète de déployer toute la variété de son talent : c’est le concours des bardes, des ménestrels, des troubadours de toutes les contrées se disputant la violette d’Isaure aux jeux floraux ; c’est, l’auteur du moins le laisse entendre, c’est la ballade du cheva-