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ces que les courans accumulent sur ses bords. On voit arriver les ours blancs, embarqués sur ces glaces qui s’avancent avec une incroyable vitesse, et si alors il survient une tempête qui soulève et agite ces masses flottantes, elles se choquent et se brisent avec d’épouvantables craquemens. Éclairez une pareille scène des feux sanglans d’une aurore boréale, mêlée à la lueur des volcans, se reflétant sur la neige ; qu’à ces tourmentes de l’océan du nord répondent les commotions de ces tempêtes souterraines qui soulèvent en vagues un sol de laves à demi refroidi, et vous aurez une idée de ce que peut présenter de plus terrible et de plus grand la nature septentrionale : telle est l’Islande, et l’amour de la patrie est si plein d’illusions chez tous les hommes, qu’un proverbe national dit : « l’Islande est le plus beau pays que le soleil éclaire. »

L’Islande fut peuplée au neuvième siècle, par suite d’une révolution qui s’opéra presque en même temps en Danemark, en Suède et en Norwège. C’est alors que ces royaumes furent fondés, que quelques chefs adroits soumirent les autres à leur autorité. Ceux à qui ce changement ne convenait point, ceux qui regrettaient l’ancienne indépendance, émigrèrent, et un grand nombre fut chercher un asile en Islande. L’Islande se trouva ainsi le refuge de tout ce qui tenait le plus fortement aux anciennes mœurs, aux traditions nationales. Ces fugitifs emportèrent avec eux la vieille religion du nord, établirent une sorte de république patriarcale, gouvernée par un président annuel, nommé l’homme de la loi. Cet état de choses dura quatre siècles. L’Islandais, dans sa jeunesse, était commerçant ou pirate, quelquefois tous les deux ensemble ; puis, il revenait dans son île, vivait dans sa maison de bois, de ses troupeaux, de quelque agriculture, là où elle était possible, et partageait son temps entre ses affaires domestiques, les assemblées locales de chaque canton, et l’assemblée générale qui avait lieu une fois l’an, sur le plateau volcanique de Thing-Valla, appelé aussi la Montagne de la loi. Joignez-y quelques coups de main auxquels donnaient lieu les querelles des diverses familles, et force procès, et vous aurez une idée assez complète de l’existence d’un Islan-