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assidu et où il me sera doux de m’asseoir de nouveau pour l’entendre, dans des communications journalières aussi instructives, plus précieuses peut-être que ses leçons, j’ai appris de lui à traiter sérieusement la science, à ne chercher dans les lettres qu’elles-mêmes, à ne point reculer devant de pénibles études, et à ne craindre que l’esprit de système, qui aspire à se passer d’elles. Ces principes seront les miens. Je tâcherai de tirer de mon sujet tout l’intérêt qu’il renferme ; mais je m’interdirai sévèrement de chercher à lui prêter un intérêt étranger ; et, pour commencer dès ce moment l’application de la méthode que je fais vœu de suivre, laissant de côté tout préambule, j’entre en matière.


Messieurs,

Tous les monumens de la littérature qui va nous occuper sont écrits dans une langue qui ne se parle plus, si ce n’est dans une île presque inconnue à l’Europe, presque entièrement isolée du monde. C’est dans cette île, à peine habitée, que se sont conservés la plupart de ces monumens. Ils contiennent les enseignemens d’une religion qui, depuis huit siècles, a cessé d’exister, des traditions héroïques qui ont été étrangères à notre enfance, les récits d’une histoire qui semble se lier à peine aux histoires que nous connaissons. Quel intérêt peut donc avoir pour nous cette littérature ? Que nous font ces antiquités obscures, cette religion sanglante, ces langues et ces chants barbares ? Pourquoi les tirer des brumes du nord et de la nuit du pôle ?

Mais, messieurs, si cette île, pauvre et lointaine, avait été, durant quatre siècles, le siége d’une république indépendante, possédant une littérature originale comme sa civilisation ; si l’étude approfondie de la langue, de la mythologie, des traditions scandinaves qu’elle nous a conservées, jetait un jour précieux sur les origines de la plupart de ces peuples barbares qui ont renouvelé l’Europe ; si elle rattachait le nord à l’orient, les temps modernes à l’antiquité ; si elle révélait les