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LITTÉRATURE DRAMATIQUE ÉTRANGÈRE.

précipitation obligée du travail, puisque l’auteur était à-la-fois poète, acteur et directeur, n’ont pas droit aujourd’hui à la même indulgence. Ce n’est pas par ces côtés-là qu’il faut imiter Shakespeare.

Aujourd’hui que la littérature dans toutes ses branches n’est plus un accident de la vie, mais bien une profession qui remplit toutes nos années, et qui jalouse toutes les distractions, qui a ses lois, ses préceptes, son code, quand on accepte une forme, quelle qu’elle soit, il ne faut pas la quitter ; il faut choisir, selon la nature et le mouvement de sa pensée, entre la prose et le vers, mais ne pas renoncer capricieusement à l’une ou à l’autre dans le cours de cent cinquante pages.

Voyons quelle a été l’histoire.

Le règne de François Ier s’ouvrit glorieusement par la bataille de Marignan. On sait la lettre pleine de modestie et de dignité qu’il écrivit à sa mère après la victoire. Il n’y oublie aucun de ceux qui l’ont secondé de leurs bras et de leur courage, et trouve des paroles affectueuses pour les récompenser. Le soir même de la bataille, il mit un genou en terre, et se fit armer chevalier par Bayard.

Quatre ans plus tard, en 1519, la mort de Maximilien décida entre don Carlos et François Ier, une rivalité, qui ne devait finir qu’avec leur vie. Les deux rois se mirent sur les rangs pour l’empire, et c’est à cette occasion que François Ier répondit aux hypocrites politesses de don Carlos par un mot franc et hardi, qui peut servir de symbole à toute sa carrière : « Nous courtisons tous les deux la même maîtresse ; mais que celui des deux qui sera vaincu cède le pas à celui qu’elle préfère ». Sur le refus de Frédéric-le-Sage, don Carlos obtint l’empire. Henri viii d’Angleterre, troisième compétiteur, manifesta publiquement sa colère, et le double échec qu’ils avaient éprouvé donna lieu à une entrevue célèbre entre les rois de France et d’Angleterre, le camp du drap d’or.

Si je ne me trompe, c’était là un beau prologue pour une tragédie de François Ier ; c’était l’exposition de la lutte qui allait s’engager entre les trois monarques, lutte qui devait remplir