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thies de l’auteur. C’est un drame de pudeur et de chasteté, d’amour et de dévoûment fraternel. Si la conduite de Françoise de Foix, qui, à mes yeux, voudrait être l’héroïne de la tragédie, eût été telle que nous la représente miss Kemble, peut-être que saint Augustin ne l’eût pas condamnée, comme on peut le voir dans la Cité de Dieu.

Et quoiqu’on ait volontiers mauvaise grâce à parler du style d’un poète étranger, bien qu’on puisse accuser de pédantisme et de fatuité un critique qui se permet de juger ce qu’il y a de plus délicat et de plus mystérieux pour un esprit qui n’est pas familiarisé, par la vie de tous les jours, avec l’idiome dont il prétend parler, nous nous hasarderons, cependant, à dire quelques mots du style de Shakespeare, comparé à celui de Francis the first.

Tous les deux sont imagés. Mais dans quelles conditions ? Dans ses chroniques Shakespeare ne se refuse aucune des vulgarités du dialogue. Il dit bonjour et adieu comme tout le monde. En est-il de même dans Francis the first ? Il joue sur les mots avec Mercutio, dans Roméo ; quand il est au balcon avec Juliette, il rêve comme M. de Lamartine dans les étoiles. Mais au bal, dans le premier acte, il a des paroles comme nous pouvons tous les soirs en entendre, en pressant un gant de femme.

Cette différence ressort de la différence même des systèmes. Venons à la partie technique. Il y a dans Shakespeare quatre formes de langage : la prose qu’il ramène volontiers toutes les fois qu’il revient à des scènes ordinaires ; le vers blanc, le vers héroïque et rimé, et enfin le vers qu’on appelle rhythmique, le vers de l’ode et de la ballade. Il emploie indistinctement ces quatre formes, il les quitte et les reprend, les entremêle et les coupe selon son caprice en apparence, mais le plus souvent pour des raisons que l’analyse et la réflexion pénètrent.

Miss Kemble n’a employé que deux formes de langage, la prose et le vers blanc. Parfois il lui arrive de ne pas terminer un vers commencé. Or il nous semble que ces irrégularités, qui pouvaient trouver leur excuse au seizième siècle dans la