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les boucles et les tresses de ses cheveux. À parler littérairement, c’est le style du sonnet.

Or, quoiqu’on ne puisse nier ni le charme, ni la grâce, ni même souvent la force et la portée des sonnets de Pétrarque et de Michel-Ange, de Milton ou de Wordsworth, forcés qu’ils sont cependant d’enfermer leur pensée dans l’étroit espace de deux quatrains et de deux tercets, il leur faut trouver une forme sonore et précise, retentissante et solide, qui donne aux moindres accidens de leurs idées un caractère saisissant, qui grave dans la mémoire, et profondément, ce qu’ils veulent raconter et signifier. Alors ils ne peuvent s’en tenir à la simple succession des images, comme dans le récit ; ils choisissent une figure une et multiple, simple, quoique variée, capable de suivre pas à pas et de reproduire fidèlement toutes les évolutions de la rêverie : ils choisissent un symbole.

Mais ce style qui convient au sonnet, dont le sonnet ne peut guère se passer, quand on l’applique à un récit ou à une action, à l’épopée ou à la tragédie, au roman ou au drame, ralentit singulièrement le mouvement général de l’ouvrage. Une fois entré dans cette voie, qui, bien que belle et glorieuse en soi, n’est pourtant pas la vraie, et ne doit pas vous conduire au but que vous cherchez, vous ne pouvez plus faire acception du caractère et de l’âge des personnages, de la paix ou du tumulte d’une scène, de la hâte impétueuse du dénoûment, ou du cours tranquille d’une exposition ; vous êtes condamné à l’éternelle et patiente ciselure de toutes les passions et de tous les sentimens. Que votre parole grave ou folle, tendre ou austère, passe par les lèvres de François Ier, ou de Triboulet, de la comtesse de Châteaubriand ou de la duchesse d’Angoulême, elle pourra être belle, mais non pas vivante.

Et je concevrais encore plus volontiers que le cliquetis des images se fît entendre à de fréquens intervalles dans le cours d’un récit ; car alors le poète ou le romancier, deux artistes dont le nom seul diffère, intervient en son nom et pour son compte. En même temps qu’il déroule les plis merveilleux de ses souvenirs, en même temps qu’il nous emmène avec lui sur le