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chambault et Bonnet, deux des avocats les plus distingués du barreau. J’ai remercié ces messieurs de leur bonté ; mais je le leur ai dit : — Tous les avocats de Paris n’y feraient rien : c’est une formalité qu’on remplit pour moi comme pour tous les accusés ; mais mon sort n’en est pas moins certain. Avant de me quitter, M. Bastard de l’Estang s’est approché de moi, et m’a dit : — Lorsque le préfet de police vous a interrogé pour la première fois, vous lui avez répondu que ce n’était point une commission si facile à exécuter, que de tuer un prince. Quelqu’un vous avait-il donc commissionné pour tuer le duc de Berry, je veux dire choisi ou conseillé pour commettre cet assassinat ? — Non, monsieur, lui ai-je dit, je n’ai reçu commission de personne ; j’avais seul mon secret ; je ne l’ai dit à âme qui vive, et l’on aurait grand tort d’inquiéter qui que ce soit à cet égard. — Mais pourquoi, reprit M. Bastard, avez-vous employé ce mot de commission ? — C’est que je n’y attachais point la moindre importance, et que, quand je l’ai prononcé, je ne pensai point à son acception réelle et à toute sa portée. »

Le lendemain il disait, en s’adressant à l’officier de paix alors en fonction : « Ce matin je suis monté au greffe du palais, accompagné de M. votre collègue, et d’un brigadier de gendarmerie. Là on m’a lu mon acte d’accusation, qui m’a paru en général fort exact et très bien fait. On s’est trompé cependant sur quelques points de mon voyage à Lyon. Je conçois maintenant pourquoi la procédure a été si longue. Il a fallu interroger plus de douze cents personnes : ce n’était point une mince affaire ; mais c’était bien du temps perdu et bien des gens tourmentés inutilement. J’espère que maintenant le jugement ne tardera guère, et je dois après-demain aller chercher au greffe toutes les pièces du procès, qu’on m’apportera de la Chambre des pairs. » Le matin, en effet, le greffier lui avait lu son acte d’accusation, rédigé par M. Bellart. Le prisonnier avait écouté sans émotion et en silence tout le temps que cette lecture avait duré ; puis, recevant la copie des mains du greffier : « Oh ! la belle écriture ! dit-il, comme c’est bien écrit ! Voyez donc, monsieur le brigadier ; tenez :