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tructions soudaines a été malheureusement fourni par le baron Eger, vice-président des finances : attaqué subitement, des crampes intérieures lui ont ôté la parole, et il a expiré sans qu’aucun secours ait pu le soulager.

Quelques personnes ont pensé que le mal avait eu plus d’action sur les individus de races slaves. Je connais plusieurs familles polonaises, personne parmi elles n’a succombé. À Vienne, pendant l’invasion, fort peu en ont été légèrement malades. Je pense que ce n’est que dans des circonstances de localité, de climat, de genre de vie, de nourriture, de défaut de précautions, qu’on peut trouver les raisons des ravages plus ou moins considérables qu’a exercés le fléau.

L’efficacité des remèdes a partout varié comme les caractères de la maladie, et dans les mêmes lieux l’emploi des mêmes moyens sur différens individus a produit également la guérison ou la mort. Ainsi je connais l’exemple positif d’une jeune fille de dix-huit ans au troisième degré du choléra, guérie rapidement par l’emploi intérieur et extérieur de la glace. Je connais d’autres exemples non moins authentiques de personnes que l’effet de la glace a tuées instantanément.

Vous savez combien de prosélytes a faits à Vienne le système homéopathique d’Hauneman. On assure que cette méthode a amené plusieurs guérisons ; ses antagonistes en citent au contraire de funestes résultats. Quoi qu’il en soit, j’ai vu M. le docteur Queen, médecin anglais, homme d’esprit, s’exprimant en français avec une facilité remarquable. Il revenait de Tisnowitz, où il s’était rendu au moment de l’invasion, pour étudier la maladie dans sa première intensité, et dans ses diverses périodes. Sa réputation avait relevé le courage des habitans. On avait célébré son arrivée par un dîner où son hôte, M. le baron Scheele, avait réuni plusieurs personnes. Pendant le repas, il sent tout-à-coup un saisissement extraordinaire, et tombe comme frappé de la foudre. L’effroi disperse les convives. On le porte sans connaissance dans la chambre qui lui était destinée ; là après quelque temps il reprend ses sens, il éprouve tous les symptômes les plus graves, les vomissemens, les douleurs à l’estomac et dans les hanches, le froid glacial. Son visage est taché de bleu. Il se fait apporter la boîte renfermant les remèdes qu’il avait destinés à ses malades. Il en fait l’essai sur lui-même ; six gouttes d’esprit de camphre font cesser la violence de l’attaque. Le lendemain, le désir de secourir ceux qui avaient espéré en son assistance le détermine à faire un effort, il se lève, il oublie son mal pour ne plus songer qu’à ses malades. Il m’a dit avoir employé dans le premier degré du choléra, le camphre ; dans le second, le veratrum nigrum ; dans le troisième, les poudres de cuivre. Ces remèdes prescrits par l’homéopathie lui ont parfaitement réussi. Sur trente-sept malades, il en a guéri trente-quatre.

Les symptômes les plus ordinaires du choléra ne se sont pas toujours représentés. En Transylvanie, dans certaines localités, il se manifestait par des sueurs coliquatives sans aucune évacuation. Alors il était mortel. Un fait singulier m’a été rapporté par l’ambassadeur d’une grande puissance. Atteint dans le mois de novembre, à la suite d’un refroidissement, pendant vingt-quatre heures il fut dans un grand danger. Le docteur Malfatti, qui le soignait, ordonna des fric-