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BRAUNSBERG LE CHARBONNIER.
Histoire invraisemblable.

Je revenais de Vienne, il y a quelques mois. Je m’arrêtai à Linz, à l’auberge du Lion d’or, où une foule de voyageurs étaient descendus. Je trouvai là pour compagnie des officiers autrichiens de la garnison, des négocians, des commis, des bourgeois, des étudians allemands, avec la petite casquette et la grosse pipe d’écume de mer, partie indispensable du costume des universités. Ajoutez-y quelques abbés, une grande confusion d’idiomes, des brocs chargés d’une bierre écumeuse, un nuage de fumée de tabac à ne pas se voir à cinq pas. En attendant le dîner de la table d’hôte, on causa. Quand la table fut servie, on causa de nouveau ; enfin au dessert, on causait encore. Il faut dire que la foule était éclaircie, et que nous restions à table cinq ou six jeunes gens tout au plus. On remplit les verres, on se rapprocha, on parla politique, stratégie, arts, littérature, mais surtout voyages. Chacun se mit à raconter les aventures les plus inouies, les plus incroyables ; chacun renchérissant sur son voisin pour l’imprévu des accidens, pour l’originalité des situations. La tâche du dernier convive devenait assez difficile. Il n’avait plus la ressource des tours isolées, des vieux châteaux tombant en ruines. On lui avait gaspillé toutes ses contrefaçons d’Hoffmann et de Jean-Paul ; travesti ses voleurs et sa terreur nocturne. Les revenans ! il ne pouvait pas décemment en produire en l’an de grâce 1831. Le petit auditoire commençait à se