Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/205

Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
LETTRES PHILOSPHIQUES.

elle gouverne, mais elle n’écrit plus ; on dirait qu’elle éprouve quelque difficulté et quelque répugnance à penser, car enfin il peut y avoir dans la pensée quelque chose de dangereux et d’anarchique : quand la pensée n’est pas maniée avec sagesse, et par des amis, elle a aux yeux de l’école quelque chose de remuant qui l’inquiète et qui la blesse. Cependant il s’élève en silence une génération nouvelle qui laisse dans le plus profond abandon les théories et les théoriciens de cette école, qui semble résignée à lui abandonner la jouissance du présent ; mais elle travaille à se mettre en état de lui demander compte un jour des mépris prodigués à la France et à son esprit nouveau ; pour cela, elle sent fort bien qu’à des études anciennes, il faut opposer des études nouvelles, à une intelligence restreinte de l’histoire une intelligence plus étendue, à une philosophie politique, timide et boiteuse, une philosophie plus ferme et plus vraie.

Voilà, monsieur, ce que j’avais à vous dire aujourd’hui : il m’a fallu faire effort sur moi-même pour vous parler avec franchise d’une école dont je répute toujours les intentions estimables, et qui a été utile, non tant par des résultats positifs et durables que par des tendances honnêtes et des études commencées ; mais elle s’est arrêtée ; mais, devenue stationnaire, elle s’est irritée contre ce qui voulait marcher encore ; mais, se voyant délaissée, elle s’est mise à maltraiter notre pays par des paroles aigres et hautaines : or, entre elle et la France, monsieur, je vous prie de ne pas hésiter. Plutôt que de croire la France stupide, pensez plutôt que cette école se trompe. À qui donc l’avenir ? Aux opinions de quelques hommes ou au génie d’un grand peuple ?


lerminier.