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LUIZ DE CAMOENS.

plus celui qui sait conserver que celui qui n’a su que conquérir. Serait-ce Adrien, ce puissant maître du monde ?

« Il observa mieux les lois d’en haut. C’est donc Numa ? Non ; mais c’est João iii de Portugal, et il restera sans second. »


Dès les premiers temps de son retour à Lisbonne, Camoens se lia d’amitié avec un écrivain distingué, le licencié Manoel Correa, curé de Saint-Sébastien, dans la Mouraria, et examinateur synodal de l’archevêché de Lisbonne. C’est à ce savant homme que nous devons de connaître les traits de Camoens : il fit faire un portrait de l’auteur des Lusiades, portrait que Faria e Sousa a fait depuis graver en regard du sien, dans son Commentaire (1639). Déjà Severim avait publié un buste de Camoens dans ses Discursos varios e politicos, en nous apprenant seulement que l’original appartenait à son neveu Gaspard Severim. Ces deux portraits diffèrent assez peu pour qu’on puisse les regarder comme les copies d’un même modèle. Dans l’un et l’autre les traits sont nobles et d’une expression sévère. Nous savons d’ailleurs par Severim que Camoens était de taille moyenne, qu’il avait le visage plein, le front proéminent, le nez fort, la barbe et les cheveux d’un blond qui tirait sur le safran. « Quant à son humeur, dit le même écrivain, elle était gaie et facile ; mais, avec l’âge, il devint un peu mélancolique ». On aurait pu le devenir à moins.

Cependant Camoens était au moment d’avoir achevé son œuvre. Les Lusiades, cette première épopée moderne, allait enfin voir le jour. Camoens l’avait rêvée à Coïmbre, commencée à Santarem, travaillée à Ceuta ; il en avait presque terminé six chants avant son départ pour l’Inde[1] ; il l’avait reprise à Goa, presque achevée à Macao, revue à Sofala. En 1570, il récrivit le dixième chant à Lisbonne et ajouta une dédicace et un épilogue

  1. Faria e Sousa a vu un manuscrit des six premiers chants des Lusiades de la même main qui avait copié les Décades de J. de Barros, et, par conséquent, antérieur au départ de Camoens pour Goa.