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commettait dans le logis de ses maîtres la plus légère infraction à la fidélité conjugale. Pendant plusieurs siècles, toute maison bien réglée dans la Péninsule eut son Camâo: mais enfin, là comme ailleurs, l’espèce s’en est peu à peu éteinte. Une dame de la maison de Cadmon, en butte aux mauvais propos, en appela à ce singulier juge. L’honneur de la dame fut rétabli : et, par reconnaissance, le mari voulut garder le nom de Camâo. Il y a des redondilhas de Camoens sur cette merveille.[1]

Une querelle qui s’éleva entre les Camoens et les Castera, et qui coûta la vie à un de ceux-ci, contraignit[2] Vasco Pires, trisaïeul de Camoens, d’abandonner la Galice en 1370, et de se retirer en Portugal. Le roi dom Fernando le combla de terres et d’honneurs ; mais, après la mort de ce prince, ayant suivi le parti de la reine doña Léonor, il combattit sous le drapeau de Castille à Aljubarrota, fut fait prisonnier et perdit presque tous ses biens, sauf celui d’Evora, que ses descendans ont érigé depuis en un fief appelé par le peuple Camoeyra[3].

Sarmiento[4] a découvert que Vasco Pires fut un des poètes les plus renommés de son temps. La famille du marquis de Santillana conservait des vers de lui dans un ancien cancionero dont nous avons encore la table, mais dont le texte ne nous est pas parvenu.

C’est de Joâo Vaz, second fils de Vasco Pires, que descend notre Camoens. Ce Joâo porta le titre, alors très illustre, de vassal de dom Afonso v. Il servit ce prince en Afrique et en Castille. Il a un magnifique mausolée dans le cloître de la cathédrale de Coïmbre ; mais dès long-temps avant 1624, le cintre de cette

  1. Voy. Caria a huma dama.
  2. Nous ne supposons pas que les Castera de Galice fussent les ancêtres de Du Perron de Castera, traducteur français des Lusiades. Nous ne voulons pas croire à des inimitiés si persévérantes.
  3. C’est de ce fief, ou du château de Camôes en Galice, qu’est venu le nom des fruits nommés Camoeses, sorte de coins très répandus dans toute la Péninsule.
  4. Memoria para la historia de la poesia y poetas españoles.