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Alex. Lobo, qui, bien que composé dans un système évident de malveillance et de réaction contre Camoens, contient néanmoins des aperçus ingénieux, des documens neufs et un certain nombre de faits inédits. On a donc pensé qu’il y avait lieu d’écrire une nouvelle notice sur Camoens, en profitant des travaux récens, en recourant diligemment aux sources anciennes[1], et surtout en interrogeant les œuvres du poète.

Outre ce but de curiosité érudite, on en a eu un autre de pure fantaisie. On a désiré montrer ce qu’était la vie d’un homme de lettres en Portugal pendant le beau siècle de ce royaume.

Rien ne diffère plus d’un siècle à l’autre et de peuple à peuple, que ce qu’on appelle la vie d’homme de lettres. Aujourd’hui, en France, un homme de lettres est un homme de plaisirs ou d’affaires, qui, s’il n’a pas d’ambition, cherche à devenir chef de division dans un ministère, ou directeur de l’imprimerie royale. Le titre d’homme de lettres est un écriteau de disponibilité administrative. Dans le dix-huitième siècle, la vie des gens de lettres était une vie à-la-fois laborieuse et sensuelle : tout son mouvement se passait entre l’académie, l’opéra, les salons ou le café Procope. Dans le siècle précédent, c’était quelque chose de plus à part, de plus rangé, de plus frugal, et qui avait reçu de Port-Royal quelques-unes des habitudes du cloître. Si nous remontons au delà, l’aspect est encore plus sévère ; l’homme de lettres est un être nécessairement vieux, podagre, portant manteau, calotte et besicles, et toujours cloué dans un grand fauteuil noir.

  1. Nous ne pouvons indiquer ici que Diogo do Couto et le licencié Manoel Correa, tous deux amis et contemporains de Camoens, et qui, l’un dans ses Décades, l’autre dans son commentaire des Lusiades, ont donné de précieux renseignemens sur Camoens ; Pedro de Mariz, son plus ancien biographe (1613) ; Manoel de Faria Severim, qui le premier a écrit sa vie avec quelque étendue (1624) ; et enfin Manoel de Faria e Sousa, qui a composé trois différentes Vies de notre poète : d’abord dans son commentaire des Lusiades, 4 vol. in-fol., Madrid, 1639, ensuite dans son commentaire des Rimas, 5 vol. in-fol., Lisboa, 1685-89, et enfin dans une espèce d’églogue intitulée Cintra, Centon de Camoens, assez insignifiant, mais dont il faut consulter les notes.