Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
REVUE DES DEUX MONDES.

des phyllades, des calcaires, des eurites et des serpentines diallagiques, etc. Sa partie sud, qu’on appelle la plaine, pour la distinguer de la partie montagneuse, est formée de collines en général peu élevées, appartenant à divers terreins ou formations. D’un côté, ce sont les roches anciennes de la partie montagneuse qui forment ces collines ; de l’autre, ce sont des roches volcaniques appartenant au système des trachytes. Ces collines trachytiques sont en partie recouvertes par un agglomérat, formé des débris de ces trachytes, et recouvert lui-même par des couches du terrain tertiaire coquiller, que l’on voit recouvrir presque toutes les côtes du littoral de la Méditerranée. Ainsi ce système volcanique est antérieur au dépôt tertiaire, et par conséquent au dernier soulèvement qui a pu donner naissance à une partie de l’île, et l’élever au-dessus de la surface des mers ; ce n’est donc pas là qu’il faut aller chercher les causes de l’irruption qui a eu lieu dans l’île ; ce n’est pas non plus, je pense, aux îles de Lemnos, Imbros et Ténédos, qui appartiennent également, en partie du moins, au même système trachytique, qu’aurait pu être due cette irruption.

Quant à l’engloutissement de l’île Chrysé, voisine de Lemnos, dont parle Pausanias, catastrophe que M. de Choiseul-Gouffier a étendue à une partie de l’île de Lemnos elle-même, comme cet événement est d’une époque très récente, il n’a pu être cause du déluge de la Samothrace. La distance de Lemnos est au reste beaucoup trop grande, pour que, si cette île a en effet éprouvé quelque révolution depuis les temps historiques, la cause qui y aurait produit des changemens se soit fait sentir jusqu’à Samothrace, au point de causer la submersion d’une partie de l’île.

M. de Choiseul, qui avait adopté l’opinion des anciens sur l’irruption du Pont-Euxin, annonce, en parlant de Lemnos, qu’il a trouvé, vers l’embouchure du Bosphore, dans la mer Noire, des traces de terrein volcanique ; ce qui le porte à conclure que, le premier, il a reconnu les véritables causes de l’irruption de la mer Noire et de l’ouverture du Bosphore ; mais, s’il avait eu quelques notions de géologie, il se serait bien gardé de tirer de la présence de ces traces volcaniques, signalées un peu plus tard par Olivier, une telle conséquence ; car il eût vu que, depuis les Cyanées jusque vers Buyuk-Déré, c’est-à-dire à peu-près jusque vers la moitié du canal, les rives du Bosphore sont formées de roches volcaniques ; mais que ces roches volcaniques, comme à Samotraki, appartiennent à des trachytes, qui, à l’embouchure de la mer Noire, sont aussi recouvertes par un dépôt tertiaire à lignites ; qu’ainsi elles sont bien antérieures à l’existence des hommes et au dernier cataclysme qui a pu bouleverser ces contrées, et que ce n’était pas ce qui aurait pu donner lieu à l’ouverture du Bosphore, si l’on doit considérer cette ouverture comme un événement de la période actuelle.

D’après tout ce qui précède, si la submersion d’une partie de la Samothrace a eu réellement lieu, je pense avec vous qu’elle n’a été occasionée que par une cause purement locale, soit par l’affaissement d’une partie de l’île, soit par quelque violent tremblement de terre, ou bien encore par un soulèvement