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REVUE. — CHRONIQUE.

volumes sans nom, qu’on ne sait comment qualifier. C’est elle qui donne à la bibliopée le caractère d’une véritable épidémie.

Et soyez sûr que si les journaux et les revues punissaient de blâme, de dédain ou de silence toutes les témérités de librairie, qui menacent d’un commun naufrage le bon sens, l’imagination et la langue, qui obstruent la voie, qui dépravent le goût et blasent les lecteurs, soyez sûr que la vanité mécontente, les humiliations de l’oubli feraient bientôt justice de toutes ces inventions prétendues. Soyez sûr que les livres seraient plus rares et meilleurs, si l’on ne trouvait pas à si bon compte et si facilement le banal encouragement qui tend la main à tout le monde.

Je ne m’étonne pas vraiment si les artistes et les poètes qui font de leur fantaisie et de leurs travaux un dévoûment de toutes les heures, qui veulent avant tout se contenter eux-mêmes, répudient et récusent de si haut et de si loin le tribunal qui veut les juger, s’ils ne réservent pas même à la critique, lorsqu’elle les mande à sa barre, l’honneur d’une contradiction. Que voulez-vous qu’ils pensent d’une cour si vénale et si insouciante de sa dignité ? Croyez-vous que la haine ou l’amitié des Philintes littéraires signifie quelque chose pour les esprits qui se respectent ? Croyez-vous qu’ils puissent prendre pour une médaille frappée à leur honneur cette menue monnaie qui s’use en passant par toutes les mains ?


gustave planche.

LEÇONS SUR L’ART D’ASSOCIER.
EXPOSITION DU SYSTÈME SOCIAL DE CHARLES FOURIER DE BESANÇON,
PAR JULES LECHEVALIER.[1]


M. Jules Lechevalier, en se séparant de la hiérarchie saint-simonienne dont il était l’un des membres les plus actifs, n’a pas renoncé à l’espérance de trouver une solution complète du problème social qui tourmente aujourd’hui tant d’intelligences. Il a cru voir dans les travaux fort nombreux et déjà anciens, quoique à-peu-près inconnus, de M. Fourier de Besançon, des découvertes importantes relativement à cette association industrielle dont le saint-simonisme n’a donné encore qu’une formule générale, non appliquée. C’est à l’exposition, à la vulgarisation des vues de ce savant philanthrope qu’il consacre le cours que nous annonçons. M. Fourier, dans ses écrits, emploie d’ordinaire des formes si bizarres et une phraséologie si particulière, qu’il ne lui est nullement inutile d’avoir un trucheman. M. Lechevalier, par son intelligence rapide et sagace, par sa parole spirituelle et facile, est certainement l’interprète le plus propre à extraire de la doctrine de M. Fourier les vérités neuves qu’elle recèle. Dans les deux leçons que nous avons sous les yeux, il nous a déjà été aisé de saisir bien des conceptions hardies, bien des aperçus piquans pris au cœur de la nature humaine. Nous attendrons, pour juger, que le reste de la doctrine se développe. Mais nous engageons M. Lechevalier à restreindre le plus possible l’emploi des termes extraordinaires qui hérissent la doctrine de son auteur.

  1. Paulin, place de la Bourse.