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CONSULTATIONS DU DOCTEUR NOIR.

temps où il a daigné habiter parmi nous. Avouez que le genre humain a manqué là une bien bonne occasion !

— Quel rire désespéré ! dit Stello.

— Et il ne la retrouvera plus, continua l’autre, il faut en prendre son parti, en dépit de ce beau cri que répètent en chœur tous les législateurs. À mesure qu’ils ont fait une constitution écrite avec de l’encre, ils s’écrient :

En voilà pour toujours !

Allons, dites-le hautement, ajouta le Docteur se couchant dans son fauteuil à sa façon, de quel paradoxe êtes-vous amoureux maintenant, s’il vous plaît ?

Stello se tut.

— À votre place, j’aimerais une créature du Seigneur plutôt qu’un argument, quelque beau qu’il fût.

Stello baissa les yeux.

— À quel mensonge social nécessaire voulez-vous vous dévouer ? — car nous avouons qu’il en faut un pour qu’il y ait société. — Auquel, voyons ? sera-ce au moins absurde ? lequel est-ce ?

— Je ne le sais en vérité, dit la victime du raisonneur.

— Quand pourrai-je vous dire, continua l’imperturbable, ce que je sens venir sur mes lèvres, toutes les fois que je rencontre un homme caparaçonné d’un pouvoir : Comment va votre mensonge ce matin ? — Se soutient-il ?

— Mais ne peut-on soutenir un pouvoir sans y participer, et au milieu d’une guerre civile, ne pourrais-je pas choisir ?…

— Eh ! qui vous dit le contraire, interrompit le Docteur avec humeur, il s’agit bien de cela ! — Je parle de vos pensées et de vos travaux par lesquels seulement vous existez à mes yeux. Que me font vos actions ?

Qu’importe dans les momens de crise que vous soyez brûlé avec votre maison, ou tué dans un carrefour, ou trois fois tué, trois fois enterré et trois fois ressuscité, comme signait le capitaine normand, François Sévile, au temps de Charles ix ?

Faites le jeu qui vous plaira. Mettez, si vous voulez, l’héré-