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DE LA LITTÉRATURE MARITIME.

Unies et l’Angleterre, venues bien tard après les grandes découvertes réalisées par les nations méridionales, en ont dévoré le bénéfice, c’est qu’au lieu de blesser les croyances des peuples nouveaux, elles leur ont parlé une langue plus universelle ; celle de l’intérêt. C’est qu’elles n’ont pas apporté des chiens pour dévorer les idolâtres. Tournez et retournez l’argument, il restera toujours démontré qu’à la réforme appartient le Nouveau Monde

Voilà deux grandes catégories religieuses qu’il faut suivre dans le développement de la civilisation maritime : dire le point où elles se sont touchées, celui où s’est opérée la séparation, ce sera une des mille faces philosophiques qui entraîneront la conviction de toute œuvre d’art.

J’ai parlé du commerce qui civilise. Empruntez-lui son mouvement universel ; dramatisez cette vie qui meurt sur un point, renaît sur mille autres ; se répand, et féconde tout ; fait d’un rocher, Tyr la superbe ; d’une bourgade, Carthage, l’effroi des Romains ; d’une poignée de sable, Venise ; d’une flasque d’eau, Amsterdam ; d’une croûte rongée par le feu, Lisbonne et Lima.

Nous nous élèverons d’essais en essais, d’incidens en incidens, d’oscillations perdues en oscillations retrouvées, depuis l’échange du hareng salé pour la peau de renard, depuis l’échange du bœuf pour le cheval, depuis la poignée de poudre à canon pour la poignée de poudre d’or ; nous nous élèverons jusqu’à la compagnie des Indes, plus riche que la fortune d’un monarque ; jusqu’aux billets de banque, timbrés à Londres et payés à Mexico ; jusqu’à la balle de laine, où siége, nu-tête, par religion pour l’industrie, le chancelier de la chambre des communes.

Et c’est la mer qui est le nœud de toutes ces intelligences qui, sans elle, mourraient l’une à l’autre inconnues, l’une à l’autre inutiles comme le palmier à l’olivier, comme la Seine à l’Orénoque.

Avec quelle simplicité vous pourriez peindre ces paisibles caravanes, que l’intérêt rend si zélées, si bienveillantes, si peu étonnées de se rencontrer à quatre cents lieues de toute terre, les unes venant de Stockholm, les autres de Pondichéry ! Puis elles se disent adieu, et le sillon s’efface.