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vieux jours, dans un couvent. Que voudrait-il faire dans une cour ou à une Bourse, lorsque le monde des sens l’abandonne, et que tout lui apparaît comme un vaste crêpe funèbre, dont l’éclat d’un monde supérieur peut seul percer l’obscurité par ses rayons ? – C’est ainsi que le ciel, lorsqu’on le contemple sur les hautes montagnes, perd sa teinte de sang, parce que le sang n’est pas sa couleur, mais celle de notre atmosphère. Cependant le soleil est alors comme le sceau brûlant de la vie, imprimé au milieu de la nuit, et jette des flammes sans interruption.


Chaque montagne est une borne qui domine les inondations du passé ; chaque lieu en ce bas monde est une relique vieille de six mille ans. Tout est sépulture et ruines sur la terre, et notamment la terre elle-même. — Qu’est-ce qui jusqu’ici a pu échapper au temps ? — N’a-t-il pas dévoré les peuples ? — les étoiles fixes ? — les paradis les plus désirés ? — une infinité de priviléges ? — toutes les critiques ? — l’éternité telle qu’on l’entend souvent ? — et déjà même nos faibles essais sur cette matière ? Si donc la vie est un tel jeu de néant, ne vaut-il pas mieux être l’artiste qui peint les cartes que le roi de cartes lui-même ?


Il s’élève, comme une vapeur légère, dans notre monde intérieur, des sentimens si tendres et si purs qui, semblables aux anges, ne peuvent revêtir de formes corporelles, ni passer dans nos actes extérieurs ; il s’y trouve des fleurs si belles qui ne contiennent aucune semence, qu’il est heureux que l’on ait inventé la poésie pour réchauffer tous ces foetus dans son sein, et pour y conserver leurs parfums.


Combien de nobles femmes, qui, d’ailleurs, attachaient un plus grand prix à admirer elles-mêmes qu’à se faire admirer, se sont montrées puissantes par leurs facultés, remarquables par