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enveloppe pierreuse, ils sauront la percer par leurs racines et s’en dépouiller ensuite.


Ces fleurs, ces rossignols, ce printemps, c’est vous qui me les avez donnés. Vous avez répandu sur ma vie un mois de mai éternel, et étanché les larmes des yeux d’un homme. — Mais que puis-je vous donner ? — Ah ! Beata, qu’ai-je à vous donner pour cet Élysée dont vous avez embelli le sombre royaume de ma vie, et pour votre cœur, votre cœur tout entier ? – Mon cœur ! – Mais vous l’avez déjà, et je ne possède rien autre chose, je n’ai à vous offrir pour tous vos charmes, pour tout votre amour, pour tout ce que vous m’avez donné, que ce cœur fidèle, heureux et brûlant !


Je connais dans nos cours une sorte d’honneur et de vertu semblable au polype, que rien ne peut faire mourir. On peut les blesser comme les dieux de l’antiquité, mais jamais les tuer. De même que l’insecte appelé cerf-volant, ils se débattent sous l’aiguille qui les perce et prolongent leur vie sans alimens. — Des naturalistes d’un haut rang font souvent éprouver à de semblables vertus, comme Fontana aux animaux, mille martyres qui feraient de suite expirer des vertus bourgeoises. Mais non, il n’est point question de mourir. C’est une grâce particulière de la nature que la vertu de nos grandes dames soit douée d’une vie comme celle d’Achille, ou d’une telle force de reproduction. D’abord pour qu’elle supporte plus facilement les fractures, les amputations, et en général les intempéries du climat qu’elles habitent ; — ensuite, afin que ces dames, rassurées par l’immortalité et la vitalité de leur vertu, n’aient besoin de mettre aucunes bornes morales à leurs plaisirs, dont les bornes physiques sont d’ailleurs si resserrées.


Emmanuel montra à Victor Dieu et l’amour, dont l’image se réfléchit partout, mais partout sous un aspect différent, dans les