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eaux, qu’on laisse couler en rigoles toujours droites ; qu’on ne songe point à faire serpenter en rivière, ou grimacer en cascade ; que parfois seulement on retient dans quelques vastes bassins pour en jouir plus long-temps, ou bien qu’on fait jaillir en gerbes élevées pour en multiplier la fraîcheur. Les matériaux employés dans les constructions sont d’aussi peu de prix que le plan suivi est simple, mais ces villas répondent parfaitement au besoin qui les a fait élever ; elles sont la forme pure, l’expression naïve et simple d’une idée fortement sentie ; il en résulte qu’elles se trouvent en merveilleuse harmonie avec l’aspect des lieux, avec le climat, avec tous les jeux d’air, de lumière. Elles concourent admirablement à former un grand et magnifique spectacle. Lorsque le soleil étincelle sur la chaux vive qui les recouvre, elles éclatent, en quelque sorte, aux yeux, sur la pelouse verte qui les entoure, comme autant de palais de marbre blanc. On a devant soi les jardins enchantés du Tasse et de l’Arioste ; on a devant soi un théâtre tout dressé pour les magiques aventures des Mille et une Nuits.

C’est aussi sur le même type que sont construites les maisons de la ville ; c’étaient en quelque sorte ces charmantes villas elles-mêmes qui formaient les rues étroites où vous avez erré ; mais là, sous l’œil du maître, toutes tremblantes d’attirer son attention, c’est-à-dire, d’éveiller sa cupidité, elles se refusaient à toute élégance, elles se faisaient sombres et sales, elles empruntaient les haillons de la misère.

À gauche en regardant la mer, le long du mur d’enceinte de la ville, se trouvent des arbres en assez grand nombre : figuiers sauvages, saules pleureurs, lauriers-roses, auxquels s’enlacent le lierre, le lilas, le chèvre-feuille. Ils se divisent en bosquets dont chacun est entouré d’un mur à hauteur d’appui. Attiré par la fraîcheur de ce lieu, délicieuse sur une terre brûlée, si vous entrez dans l’un de ces réduits, vous verrez, à l’ombre des arbres qui le couvrent, quelques pierres chargées d’hiéroglyphes et de caractères arabes. Elles sont disposées de manière à figurer assez bien, quoiqu’en petit, nos lits gothiques : ce sont aussi des lits, si l’on veut, mais pour le sommeil éternel, des tombeaux. Vous vous trouvez dans le lieu de repos d’une famille turque ou maure, dont tous les membres, suivant le nouveau rang que la mort leur aura donné, y seront venus se placer à côté de l’aïeul commun, à l’ombre des arbres qu’il aura plantés. Aucun étranger n’est admis à ces sépultures domestiques, ces gens-là