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DE LA LITTÉRATURE MARITIME.

On pompe. L’eau gagne. D’où vient la voie ? On n’avait point eu de coup de vent, ni ressenti de violente secousse. On sonde encore, six pieds d’eau. Malédiction ! d’où vient la voie ? Déjà les bordages craquent, le gouvernail danse sur ses gonds, la proue s’en va. L’eau toujours plus forte !… Enfin, mes enfants, d’heure en heure la voie d’eau devient plus effrayante, et rien qui l’explique, si ce n’est un phénomène aussi inexplicable, celui d’un vaisseau qui s’ouvre comme une grenade mûre, sous la pression du pied ; comme les quartiers d’une orange. Le voilà ouvert, branlant, plein d’eau, et les vieux et les jeunes désespérés. Jugez encore de leur plus grand effroi, lorsque le capitaine, saisissant son porte-voix, il vit ce porte-voix partir de ses mains, traverser la longueur du vaisseau, fendre l’espace et disparaître dans l’air. Après cet épouvantable prodige, le vaisseau se déchire sans efforts, les planches se démembrent, le vaisseau s’effeuille sur l’eau comme un jeu de cartes, et le jour venant, ils voient collés à un rocher noir, luisant et à pic, tous les ferrements du vaisseau. C’était l’aimant. Voilà ce qui le fit découvrir. »[1]

Ils vous diront encore et vous direz après eux l’histoire du Voltigeur hollandais, vaisseau maudit, éternellement condamné à ne jamais prendre terre. Il vient avec la bourrasque ; il s’en va avec la bourrasque. Sous tous les parages on le rencontre ; la nuit ses voiles grisaillent. Tantôt il est bord à bord avec vous, tantôt dans votre sillage, tantôt au vent, tantôt sous le vent. Malheur à qui reçoit les dépêches qu’il est toujours sur le point de vous jeter ! Votre barque est perdue. Le naufrage est à bord. Mais on peut l’éviter aisément, car le Voltigeur hollandais est de construction ancienne ; il est plus massif qu’une flûte de Dordrecht ; ses voiles semblent des rideaux, tant elles sont amples, sa proue est plus carrée que la poupe d’aujourd’hui. Évitez le Voltigeur hollandais !

Ils vous diront aussi la barque du patron Luzerne, création

  1. Cette tradition se trouve dans les Mille et une Nuits. Comment y est-elle ? ou les Arabes ont connu l’aimant avant la découverte de Gioja d’Almafi, ou les contes traduits par Galand sont apocryphes.