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DE LA LITTÉRATURE MARITIME.

Au-dessus de toutes ces têtes ardentes, élevez-en deux, plus énergiques, si c’est possible ; celle de l’Olonnais, boucanier né aux Sables d’Olonne, et celle de Morgan, l’Anglais le plus déterminé des trois royaumes. Le premier, suivi de quelques hommes, descend à Vénézuela, où il égorge et pille à belles mains ; le second s’empare de Porto-Bello, qu’il rend ensuite par négociation au prix de cinq millions de notre monnaie.

Cette tentative les encourage : ils se coalisent tous, et, par une de ces hardiesses qui demanderaient des volumes d’explications et des détails en foule, ils se rendent en quelques heures maîtres de Vera-Cruz. L’Europe ne savait que penser de tels hommes : Napoléon était à naître. Leurs déprédations continuent. Bientôt ils se trouvent à l’étroit sur le flanc atlantique de l’Amérique : ils se décident à le quitter, ennuyés de battre, comme de simples voleurs, un bois de quelques lieues. C’est au Pérou qu’ils aspirent ; mais le Pérou est dans la mer du sud, et pour y parvenir, il faut ou doubler le cap Horn, ou côtoyer l’Amérique jusqu’au détroit de Magellan. Qui oserait dire, s’ils avaient pu mûrir leur projet, qu’ils n’auraient pas fait sauter l’isthme de Panama ? Le monde aurait pu devoir à la cupidité de quelques brigands ce qu’il n’obtiendra jamais de la sage lenteur des congrès. Enfin, ils se mettent en route ; les uns côtoyant, les autres gagnant la haute mer : les premiers arrivent. Mais parmi ceux-ci, quelques-uns plus avides encore franchissent l’effrayante distance qui sépare l’isthme de Panama de la mer Vermeille. D’autres reviennent par terre sur différents points, et passent en Europe, où ils fondent des fortunes qui, peut-être, ne sont pas encore éteintes, et dont on trouverait plus d’une trace dans le nobiliaire de d’Hozier. Quant à ceux qui avaient gagné la haute mer, les constantes tempêtes qui règnent à l’extrémité de l’Amérique méridionale, les empêchèrent de doubler le cap Horn ; ils furent forcés de se rabattre sur l’Afrique, où ils se dédommagèrent avec furie de ce contre-temps. Mais les uns et les autres, disséminés et largement éclaircis par l’émigration, la mort et les excès, n’offrirent plus aucune résistance à l’Europe maritime