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deux ont bien vite compris que la lutte électorale eût été par trop inégale, et ils se sont retirés.

Restent donc ceux que nous venons de nommer. M. Salvandy se présente avec un lourd bagage : il allègue pour prétexte à sa candidature cet interminable et illisible récit qui s’est appelé, il y a quelques années, Alonzo ou l’Espagne contemporaine, comparable sous tous les rapports aux poèmes dont il est fait mention dans les batailles du Lutrin. Il se vante aussi d’avoir sauvé la France par sa courageuse éloquence, d’avoir soutenu la dignité nationale devant les baïonnettes étrangères, d’avoir éclairé le pays sur ses vrais intérêts, malgré le bâillon de la censure, et tout dernièrement il vient, comme on sait, de prouver à la Révolution que, sans lui, elle était perdue ; que, sans le merveilleux secours de sa parole, il la défiait de faire un pas ! Voilà ses titres ! voilà les symptômes littéraires dont il se plaint pour entrer aux incurables. Notre avis à nous n’est pas qu’on l’admette. Puisque c’est un grand citoyen, qu’on lui décerne une couronne de chêne ! Puisqu’il a sauvé la patrie, qu’on lui vote une statue, et que, debout sur un piédestal, il rallie autour de sa grande image tous les amis de la France, qu’il protége et qu’il va tirer de l’abîme !

Mais donner un fauteuil à M. de Salvandy, ce serait folie. Sa place est à la brèche. Puisque l’anarchie menace d’envahir la France et de la prendre d’assaut, laissons faire au courage de M. de Salvandy ; qu’il monte sur les créneaux, et que d’une main toute puissante, il lance aux révoltés ses Lettres sur les affaires publiques, sa dernière bulle d’excommunication, ou les quatre volumes d’Alonzo. Je m’assure que l’ennemi lâchera pied.

Et quels sont les titres de M. Jay ? Croyez-vous qu’il appuie ses prétentions sur son Histoire de Richelieu, ou sur sa Conversion d’un romantique, agréable facétie dont il a lui-même rendu un compte indulgent dans la feuille qu’il dirige, où il a mis, à ce qu’il dit, la malice d’Aristophane et de Lucien, la verve de Juvénal, et la grâce antique des meilleures pages de Xénophon ; il est plus modeste qu’on ne pense ; il ne présente au jugement de l’Académie aucun de ses ouvrages, mais il cite ses discours