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sculptures en surplomb, et ne vînt tomber incongrument sur le roi au moment où sa majesté passerait ; et sans pitié, et à grand coups de maillet, et trois grands mois durant, il ébarba la vieille église ! — Celui qui écrit ceci a chez lui un débris curieux de cette exécution.


Depuis juillet, il en a fait une autre qui peut servir de pendant à celle-là, c’est l’exécution du jardin des Tuileries. Nous reparlerons quelque jour et longuement de ce bouleversement barbare. Nous ne le citons ici que pour mémoire. Mais qui n’a haussé les épaules en passant devant ces deux petits enclos usurpés sur une promenade publique ? On a fait mordre au roi le jardin des Tuileries, et voilà les deux bouchées qu’il se réserve. Toute l’harmonie d’une œuvre royale et tranquille est troublée, la symétrie des parterres est éborgnée, les bassins entaillent la terrasse, c’est égal, on a ses deux jardinets. Que dirait-on d’un fabricant de vaudevilles qui se taillerait un couplet ou deux dans les chœurs d’Athalie ! Les Tuileries, c’était l’Athalie de Le Nôtre.


On dit que le vandalisme a déjà condamné notre vieille et irréparable église de Saint-Germain-l’Auxerrois. Le vandalisme a son idée à lui. Il veut faire tout à travers Paris une grande, grande, grande rue. Une rue d’une lieue ! Que de magnifiques dévastations chemin faisant ! Saint-Germain-l’Auxerrois y passera, l’admirable tour de Saint-Jacques-de-la-Boucherie y passera peut-être aussi. Mais qu’importe ! une rue d’une lieue ! Comprenez-vous comme cela sera beau ! une ligne droite tirée du Louvre à la barrière du Trône ! d’un bout de la rue, de la barrière, on contemplera la façade du Louvre. Il est vrai que tout le mérite de la colonnade de Perrault est dans ses proportions et que ce mérite s’évanouira dans la distance ; mais qu’est-ce que cela fait ? on aura une rue d’une lieue ! de l’autre bout, du Louvre, on verra la barrière du Trône, les deux colonnes proverbiales que vous savez, maigres, fluettes et risibles comme les jambes de Potier. Ô merveilleuse perspective !