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étions en ce moment témoins ; que ses efforts n’avaient rien pu. Raisonnemens, paroles, tout avait échoué. Les nouveaux conseillers, réunis en majorité contre lui, l’avaient emporté. Pour avoir pris un peu chaudement le parti de cette tour innocente, M. Th… avait été même accusé de carlisme. Ces messieurs s’étaient écriés que cette tour ne rappelait que les souvenirs des temps féodaux, et la destruction avait été votée par acclamation. Bien plus, la ville a offert au soumissionnaire qui se charge de l’exécution, une somme de plusieurs mille francs, les matériaux en sus. Voilà le prix du meurtre, car c’est un véritable meurtre ! M. Th… me fit remarquer sur le mur voisin l’affiche d’adjudication en papier jaune. En tête était écrit en énormes caractères : « destruction de la tour dite de louis d’outremer. Le public est prévenu, etc. »


« Cette tour occupait un espace de quelques toises. Pour agrandir le marché qui l’avoisine, si c’est là le but qu’on a cherché, on pouvait sacrifier une maison particulière dont le prix n’eût peut-être pas dépassé la somme offerte au soumissionnaire. Ils ont préféré anéantir la tour. Je suis affligé de le dire à la honte des Laonnois : leur ville possédait un monument rare, un monument des rois de la seconde race ; il n’y en existe plus aujourd’hui un seul. Celui de Louis iv était le dernier. Après un pareil acte de vandalisme, on apprendra quelque jour sans surprise qu’ils démolissent leur belle cathédrale du onzième siècle, pour faire une halle aux grains. »[1]


Les réflexions abondent et se pressent devant de tels faits.


Et d’abord ne voilà-t-il pas une excellente comédie ? Vous représentez-vous ces dix ou douze conseillers municipaux met-

  1. Nous ne publions pas le nom du signataire de la lettre, n’y étant point formellement autorisé par lui, mais nous le tenons en réserve pour notre garantie. Nous avons cru devoir aussi retrancher les passages qui n’étaient que l’expression trop bienveillante de la sympathie de notre correspondant pour nous personnellement.